Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

Les Bretons contre les ballons ! C’était en 1800.

En ur vag ken dibarfet, troad biken na lakin. « Dans une barque aussi imparfaite je ne mettrai jamais les pieds ». Celui qui s’exprime ainsi de façon péremptoire est un prêtre exilé à Prague pendant la Révolution. Alain Dumoulin, recteur d’Ergué-Gabéric publie en latin, une grammaire bretonne et il compose une chanson satirique contre les aérostats :

Ur vag nevez zo invantet
Dre an eer e navigo
Betec al loar ac ar stered
A dra sur e hon savo

 « Une nouvelle barque a été inventée, Elle navigue dans les airs, Jusqu’à la lune et les étoiles, Sans nul doute elle nous y emmènera. »

Dumoulin est prémonitoire, 57 ans avant les plans de la « barque ailée » de Jean-Marie Le Bris, pionnier de l’aviation ; mais on peut se demander quelle mouche l’a piqué pour qu’il se dresse contre les progrès de la science : Tud foll ha tud direzon, kement zo bet er balon, o deus torret o goug.
« Gens fous et déraisonnables, tous ceux qui sont allés dans un ballon ont cassé leur cou ». Il faut y voir surtout une façon de se faire bien voir par ses protecteurs à Prague. Les armées autrichiennes ont en effet subit plusieurs défaites face aux révolutionnaires qui employaient les ballons d’observation sur les champs de bataille.

Il conclut pour lui-même : Ne ‘z on skuizh da vevañ, Doue ra viro biken, e ven ker sot da riskañ torriñ ma melchinenn « Je ne suis pas las de vivre, Dieu me préserve à jamais que je ne sois assez fou pour risquer de me casser la nuque ». Dumoulin a tenu parole puisqu’il est mort dans son lit non sans avoir légué à la postérité le chemin du paradis « Hent ar baradoz » le titre de son œuvre maitresse ou il indique à ses compatriotes ar gwir voaien d’en em saveteiñ, le vrai moyen de se sauver, rien que ça !.

Bernez Rouz

Pennad orin / Texte original

Ur vag nevez zo invantet,
Dre an aer e navigo,
Betek al loar hag ar stered
A dra sur e hon savo.

C’hwi ‘ray pezh a garfet
Ha me ray ar pezh a garin,
En ur vag ken dibarfet
Troad biken na lakin.

Ne ‘z on ket skuizh da vevañ
Doue ra viro biken
E ven ker sot da riskañ
Torriñ ma melchinenn.

Tud foll ha tud direzon
Ne ‘z oc’h ket bremañ da c’houzout
Kement zo bet er balon
Ho deus torret o goug

Troidigezh / Traduction

Une nouvelle barque est inventée
Elle naviguera par les airs ;
Jusqu’à la lune et les étoiles
Elle nous emmènera, c’est sur !

Vous ferez ce que vous voudrez
Et je ferai ce que je veux
Dans une barque si imparfaite
Jamais je ne mettrai les pieds

Je ne suis pas fatigué de vivre
Dieu me garde que jamais
Je ne sois aussi foupour risquer
De casser ma nuque.

Les gens fous et déraisonnables
Vous ne saurez pas sans le savoir
Chaque fois qu’ils sont montés dans un ballon
Ils se sont cassés le cou.

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

BIBLIOGRAPHIE
Dumoulin (Alain), Grammatica Latino-celtica, Prague, 1800
https://books.google.fr/books?id=wpNJAAAAcAAJ&hl=fr
Dumoulin (Alain) Hent ar Baradoz, Quemper, 1805, 460p.
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/18b9293c9572bf643524ba63cb3aa8f7.pdf

BREZHONEG
Lok. (Loeiz), Alan Dumoulin, in Arvor N°128, 27/06/1943.
Le Bihan (Herve), Chañsonioù profan ha skridoù all embannet gant Alan Dumoulin en e yezhadur (1800), hor Yezh, n° 272, p. 15-21.

FRANÇAIS
Rouz (Bernez), Alain Dumoulin, un prêtre breton dans la tourmente révolutionnaire, éd. Arkae, Ergué-Gabéric, 2011, 52 p.
Téphany (Joseph-Marie), Notice sur M. L’abbé Dumoulin, Vivès, Paris, 1870.
Levot (Prosper), biographie bretonne, Vannes, 1852. P. 647

TCHEQUE
Hrbata (Zdenek), Bretonský kněz, spisovatel a lingvista v Praze, in Svět literatury, Praha, 2011, pp203-207