Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

1766 : Claude-Marie Le Laé, le Rabelais bretonnant

Né à Lannilis, Claude-Marie Le Laé, fit ses études au Collège de Léon à Saint-Pol. À 19 ans, il s’essaye en littérature, en français, en latin et en breton. Il prend modèle sur un texte comique célèbre au XVIIIème siècle : l’Éloge funèbre de Michel Morin pour nous donner une adaptation splendide en breton : Sarmon war ar maro a Vikeal Vorin. « Ses vers ont encore la faculté de faire rire aux éclats, d’un rire inextinguible, les hommes de la campagne » écrira Cambry sur son contemporain. Te oa drol Morin, te a ouie farsal a zoare, Pebezh koll deomp ! Piv a ray tout hiviziken ? (Tu étais drôle Morin, Tu savais plaisanter, Quelle perte pour nous ! Qui fera les mille métiers dorénavant ?). Morin, le bedeau, était l’archétype de l’homme à tout faire de la paroisse. Le Laé le dépeint comme un superman rural :
Kel-lies taol falc’h a roe,
Va c’halon em c’hof a zride ;
Ar gwad a verve em eskern ;
Ar mel a sailhe em c’hrochen
(A chaque coup de faux, Mon cœur me frémissait au ventre, Le sang me bouillait dans les os, La moelle me sautait dans la peau).
Le Laé accentue encore le trait de son Morin mil vicher (Morin aux mille métiers) :
Ar gwiad kevnid a skubas,
Al laboused a zineizhas,
Pilat peilhat ha farouchañ,
Separiñ, chaseal, difourc’hañ,
Difantañ neizhioù a reas krak,
Hep ma chomas na frik na frak.
(Il balaya les toiles d’araignées, Il dénicha les oiseaux, renverse !, déplume ! expulse ! Disperse ! traque ! défournille ! Décoince les nids !).

Mais notre Morin donne aussi dans les excès : Morin a oa tomm d’e c’houzoug, o klask e galanna, A zeuas da evañ ur banne. Dav d’an nor mañ, dav d’an nor-hont, Mailh an tu-mañ, mailh an tu hont, Cheñchet plas d’an holl añsenioù, Dibarfoeltret stal ar c’higer, Staget kezeg ouzh an dorioù, Dichouet ar yer eus o glud, Spazhet kizhier ha krouget chas, C’hoari « La vie », betek ar mintin ! (Morin avait la gratte au col, en cherchant ses étrennes. Il but plus que son compte. Et bing à la porte ici, et bang à la porte là-bas, Tohu par ici, bohu par là, Changer de place à toutes les enseignes, Renverser l’étal du boucher, Attacher les chevaux aux portes, Disperser les poules du perchoir, Châtrer les matous et étrangler les chiens, Voilà du plaisir jusqu’au matin !).

Un pur jus de littérature populaire !

Pennad orin / Texte original

Ar fiñveziou diwezhañ
 
Evit ur chopinadig gwin
Out maro ‘ta, va mab MORIN ?
A-varc'had mat ! Piv n’az paeje ?-
Da groc'henn, hepken, hen talve !-
Salv ‘vije bet dit, paour-kaezh
N’az-pije gwelet pik biskoazh !...
Mes sklaer ‘oa dit, sur, e kouezjes,
Mar d'ajes da bignat e gwez 
Diana, diwall, gand a ri,
(Ur wech all), pelec'h e pigni.
(An neñv ‘zo kalz re uhel dit ;
Chom izelloc'hig, ha profit ;
Ikar en-devoe ar maleur
Da gouezhañ ivez war e revr,
Hag a gollas e-kreiz ar mor
E vuhez, e gorv hag e enor.
Hag ar Baradoz, goude toud,
‘Zo uhelig mat evidout.
Na rez van eta, pa glevi
Trompillou ar Varn o seniñ.
Souch en da vez, ha chom eno :
Kement-se a hent graet ‘vezo.

Troidigezh / Traduction

Les fins dernières

C'est pour une chopinette de vin
Que tu es donc mort, mon fils Morin ?
A bon marché, qui ne t'aurait pas acheté ?
Rien que ta peau valait ça !
ça aurait mieux valu pour toi, mon pauvre
Si tu n'avais jamais vue nulle pie
Mais c'était clair pour toi que tu tomberais
Si tu t'en allais monter dans les arbres.
Au moins sois en garde surtout
Vienne un temps ou tu grimperas
Le ciel est bien trop haut pour toi ; 
Reste plus bas discrètement et fais ton fruit.
Icare, eu aussi la malchance
De tomber sur son derrière, 
Et perdit au milieu des flots
L'âme et la gloire et ses Tuyaux.
Et quant au paradis après tout,
Il est un peu haut pour toi.
Donc ne fait pas de cas, quand tu entendras
Les trompettes du jugement sonner.
Pelotonne toi dans ta tombe et restes-y,
Ce sera autant de chemin de fait.

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Brezhoneg
Le 
Laé (Claude-Marie), Sermon Dom Per Yann ar C'hauzeur person Beuzit, e kichen Landerné war maro truezus e gloc'her keaz Mikeal Morin, kenta eus an hano. 1766
Le Laé (Claude-Marie), Ar c'hy, http://www.persee.fr/doc/abpo_0003-391x_1968_num_75_4_2495

Français

  • Esnault (Gaston), La vie et les œuvres comiques de Claude-Marie Le Laé (1745-1791). Paris : Édouard Champion, 1921.
  • Esnault (Gaston),  Ar c'hy. In : Annales de Bretagne, T. LXXV, no 4, décembre 1968, p. 708-753. Études, transcription et notes de Gaston Esnault. http://www.persee.fr/doc/abpo_0003-391x_1968_num_75_4_2495
  • Cambry (Jacques), Voyage dans le Finistère, ou État de ce département en 1794 et 1795, Quimper, 1999, Société archéologique du Finistère, Ed. Critique par Dany Guillou-Beuzit, P. 264-269.
  • Le Menn (Claude), Étonnants Léonards, Keltia Graphic, , 189 p., « Claude-Marie Le Laë. Un mécréant sur la terre des prêtres », p. 78-81
    Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Morin_(homme_%C3%A0_tout_faire)