Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

1972 Youenn Gwernig le poète new-yorkais trilingue

Ébéniste, Youenn Gwernig trouve du travail à New-York en 1957, mais de son Scaër natal aux tours de Manhattan, le choc est rude : Daeroù an eñvor, dizehan war va divjod, N’hell an avel en taol-mañ o skubañ, kizellet int re zon em c’hig (Les larmes du passé, sans arrêt sur mes joues, Le vent cette fois-ci ne peut les chasser, elles sont ancrées dans ma chair). Gwernig découvre dans le métro les poètes américains de la beat generation. Sa poésie change de ton : Me zo un den eus meur a gantved kent, hag e veajan bemdeiz en trenioù a-vremañ, evel ar c’hoz har ar c’hrilh hag ar preñv, e veajan bemdeiz e kof an douar : Me ‘zo un den a-vremañ. (Je suis un homme des temps anciens, mais je voyage tous les jours dans les trains du présent : comme la taupe, le grillon ou le ver de terre, je voyage dans le ventre de la terre : je suis un homme d’aujourd’hui).

Mais la profonde humanité de ses racines paysannes lui arrache des accents sublimes sur les pauvres qu’ils côtoient dans les faubourgs du Bronx : Deut e oa tre didrouz hag e vane mezhek e toull an nor hag eñ ken bihan. Sal o yudal –« skarzh ac’hann c’hwil du ! ». Ha me da Sal « Shut up », hag ur mousc’hoarzh d’an hini bihan, daoulagad bras eeun kenedus o sellout ouzhin : -« Boutailhoù goullo, mar plij, sir ». Hag en em gavan enkrezet holl fenoz ‘n ur soñjal e daoulagad Pablo, N’oa tamm heol ebet en o voulouz du. (Il était venu sans bruit sur le pas de la porte, et lui si menu. Sal lui cria -« Fous le camp sale negro ! » Et moi à Sal -« Ferme ta gueule », et je souris au petit gars qui me regardait de ses yeux si beaux : -« Des bouteilles vides, s’il vous plaît, Monsieur ». Et je me retrouve complètement perturbé ce soir en pensant aux yeux de Pablo, il n’y avait aucun soleil dans leurs velours noirs). Gwernig publie ses recueils en trois langues, il incarne la force magique de la poésie universelle mais enracinée. E kreiz koroll ar bed-foll-mañ, iskiz ha iskisoc’h bemdeiz, morse n’en em gavan kollet da vat dre ma c’hellan diskenn da gaout peoc’h va zraonienn he stêrig flour o vorediñ dindan foenn (Au milieu de la danse folle d’un monde de plus en plus bizarre, je ne me sens jamais perdu, car je peux retrouver ma vallée et son ruisseau qui somnole sous les herbes). Revenu au pays, Gwernig aura cette belle exhortation Ret eo da bep hini sevel barzhoneg e vuhez (Il faut que chacun écrive le poème de sa vie). C’est ce qu’il a fait pour notre plus grand bonheur.

Pennad orin / Texte original

AR PONT

Setu ar pont n’eus met treuziñ ha mont
pelec’h ? n’oar den ha ne vern din
gant ma c’hellfen herzel ouzh yud an tren
kinkladur goullo mil lomber
dallus dindan bannoù an heol
ha galv aner mut bouzarus
pep logellig he c’hleuzeurig tredan
war elum ;

Ar pont ledan ha noazh m’am boa kejet gwechall
gantañ e varo gell skuilhet a-wagennoù
war e roched gwenn-kann
ne gavan ken neblec’h kan e gomzoù tener
na tan sioul e lagad don
ne gavan nemet roud e alan en avel
hag e wrez o wanaat war leurenn yen ar pont.

New York 1968

 

Troidigezh / Traduction

LE PONT

Voici le pont qu’il faut traverser pour aller
où ? personne ne le sait et je m’en fous
si je pouvais seulement supporter ce hurlement du train
vide parade de mille fenêtres
éblouissantes de soleil
et l’appel inutile d’assourdissant silence
de chacun de ces logements aux petites lampes allumées ;

Le pont large et nu où j’avais rencontré autrefois
cet homme à la barbe brune ondoyant
sur sa chemise blanche
et je ne trouve plus le chant de ses mots tendres
ni le feu tranquille de son regard profond
il n’y a plus qu’un peu de son haleine dans le vent
et sa chaleur qui meurt sur le sol froid
du pont.

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Embannadurioù/ éditions 

  • An toull en nor , 1972, bilingue breton-français.
  • An diri dir , 1976, trilingue breton-français-anglais.
  • La grande tribu , Grasset, 1982, roman français.
  • Un dornad plu , Al Liamm, 1997, bilingue Breton-anglais
  • Appelez-moi Ange , Blanc Silex, 2002, roman français.

Brezhoneg
Wikipedia : https://br.wikipedia.org/wiki/Youenn_Gwernig
Al Liamm : http://alliamm.bzh/Lenn.php?AL=klask&p=8&anv=366&kas=Kas
http://kostimatisto.eklablog.com/gwez-youenn-gwernig-a106285846
RCF : https://rcf.fr/actualite/social/la-correspondance-entre-youenn-gwernig-et-jack-kerouac-0

Français
http://www.gwernig.com/
Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Youenn_Gwernig
http://gwernig.pagesperso-orange.fr/le_roman.htm

Anglais

  • Un dornad plu (Biling. brezhoneg-english), Al Liamm, 1997