Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

2017 Fañch, l’étonnante histoire d’un prénom devenu breton

Tout commence en 1182 dans la ville d’Assise en Italie. Pietro Bernardone prénomme son fils Giovanni (Yann). Riche marchand, il reçoit beaucoup de Français à la maison

et son fils apprend la langue. Voici ce qu’en dit l’un de ses hagiographes Lan Inizan : Yann en doa kement a joa ouzh ar Fransizien e falvezas dezhañ kemeret o anv hag e c’hoanteas bezañ a-viziken anvet Frañsez » (Jean se plaisait tant avec les Français qu’il souhaita porter leur nom et il voulu s’appeler Francesco). François d’Assise fut canonisé en 1228 ; quatre ans plus tard, les Franciscains fondent un couvent à Quimper. Le plus célèbre d’entre eux s’appelle Yann Discalceat (Jean le va-nu-pied), plus connu sous le nom de Santig Du (Le petit saint noir) qui s’illustra pendant la peste de 1349. L’action des moines plut au duc Jean V qui prénomma son fils François, duc de 1442 à 1450. C’est le premier souverain européen à porter ce nom. A partir de ce moment le prénom François, son féminin Françoise ou Franczia et sa variante bretonne Francès deviennent populaire. Ce prénom est surtout connu par ses diminutifs Saig, diminutif de Frañza, Fañch-ig et Soaz-ig. Au XVIIIème siècle le prénom Fañch fait une entrée tonitruante dans le monde littéraire breton : il est le héros d’un opéra comique en breton Ar farvel goaper (Le bouffon moqueur) : Prometet eo Fantig da Fainch ur peizant. Gwell e vije bet ganti dimeziñ gant an intendant. Marc’haridik, avat a blijfe a walc’h Fainch dezhi… (Fantig est promise à Fainch le Paysan mais elle préfère l’intendant. Marguerite sa cousine penche par contre pour Fainch …)

– Ya, ya, kemerout a rin Fainch, kaseal a ran stad ur fletrenn ha gwasañ tra a c’hellfe erruout d’ur plac’h eo an dra-se ha mervel evel an tro-heol !

(Oui, je prendrai Fainch. Je déteste l’état de vieille fille, c’est le pire qui puisse arriver à une fille, mourir comme un tournesol !). A noter l’écriture Fainch qui marque la nasalisation.

Depuis 1908 on met un tilt (tilde) sur le n. C’est donc depuis qu’on écrit Frañsez ou Fañch. A partir du XIXème siècle fleurit tout une littérature pour populariser sant Frañsez a Asiz et Frañseza a Amboaz. Fañch détrône Yann pour la personnification  : Fañch kouer (François le Paysan), Fañch an itrikoù (F. le malin), Fañch ar moan (F. le pauvre), Fañch ar moneiz (F. le riche), Fañch an didalvez ( F. le nul), Fañch ar peul (F. le niais), Fañch ar gall (F. le Français).

En 2009, 34 bébés sont prénommés François en Bretagne contre 0 Françoise. Par contre on dénombre 14 Soazig (diminutif de Frañsoazig) et 16 Fañch, sans tilt bien sûr puisque c’est interdit, sauf à Quimper pour le moment…

Pennad orin / Texte original

Evel m'en doa e dad kalz koñwerzh gant bro Frañs, e teue alies Fransizien d'e ger, lod evit ober un taol koñwerzh gantañ, lod en ur vont da ur vro all larkoc'h, lod all o tont en dro d'ar ger. Yann Bernardon, mab Pêr ha Pika, en doa kement a joa ouzh ar Fransizien ma teskas buan o langach. Zoken e falvezas dezhañ kemeret o anv hag e lec'h an anv a Yann, a oa roet dezhañ dein e vadeziant, e c'hoantas bezañ a-viziken anveet Frañsez (Francesco). Ha dindan an anv-mañ nemetken eo hiriv anavezet dre ar bed holl.

Lan Inizan, (Buhez Sant Frañsez a Asiz), 

Troidigezh / Traduction

Comme son père commerçait beaucoup avec la France, beaucoup de Français venaient lui rendre visite, certains pour faire des affaires, d'autres sur leur chemin vers un pays plus prospère, d'autres en retournant chez eux. Giovanni Bernadone, le fils de Pietro et Pika, se plaisait beaucoup en compagnie des Français, il appris vite leur langue. De plus il voulu prendre leur nom, et au lieu de son prénom Giovanni (Jean), qu'on lui donna à son baptême, il voulu dorénavant qu'on l'appela Francesco. Et c'est sous ce nom seulement qu'il est connu dans le monde entier.

Lan Inizan (Vie de St François d'Assise).

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Brezhoneg

Menard (Martial), Devri : www.devri.bzh, Frañsez, Fañch, Soaz,Saig.
Marigo (Claude-Guillaume), Buhez ar Saent.1846, p.617.  http://bibnum.univ-rennes2.fr/items/show/476 
Abgrall (Herve), Bue sant Fransez d'assis gand ovis ar Werc'hez, Landreger, 1866, 168p.
Inizan (Lan), Buez Sant Fransez a Asiz, Landerne, 1889
Tad Mikel, Fioretti pe boketigeu sant Fransez, Gwened, 1902, 127p
Tad Eujen, Fioretti pe Bleuniou Sant Francez a Asiz, Rosko, Ar Vuhez Kristen, 1945, 191p.
Seite (Visant), Sant Fransez a Asiz : mignon a vugale, Rosko, Ar vuhez Kristen, 1941
Keranveyer

Français

Quemener (Pierre-Yves), Le développement du nom François dans l'anthroponymie bretonne du XVIème siècle, in Revue des Annales de Démographie Historique (n° 2017-1), p 169-171.
Broudic (Fañch), Un tilde sur le "n", retour sur un psychodrame breton, in B.S.A.F.,2017, p.317-322
Rouz (Bernez), 2017 : L'affaire Fañch : tout comprendre sur le "tiltre" français et le "tildenn" breton
Rouz (Bernez), Fañch, le prénom breton qui fait trembler la République,
éd. des Montagnes noires, Gourin, 2020, 130p