Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

Les “Louzoù” : remède ancestral des bretonnants

La médecine populaire règne en maître dans les campagnes bretonnes du XIXème siècle, c’est ce que nous raconte Annick Le Douget dans un récent ouvrage consacré aux « Guérisseurs et sorciers bretons » face à la justice. Si celle-ci s’exerce en français, la très grande majorité des acteurs ne comprennent que le breton et ce livre nous plonge dans un monde ésotérique où les acteurs s’appellent louzaouer, gwellaerez, yac’haer, pareourez, diskonter, mots venant de louzoù (herbes) gwellañ (meilleur), yac’h (santé), pare (guérir). Si les noms bretons des remèdes apparaissent comme sympathiques : dour an heol (eau du soleil), louzaouenn an touseg (L’herbe du crapeau), louzoù sant Bastian (la potion de saint Sébastien), mamm al louzoù (la mère des remèdes), les nombreux procès montrent les limites d’une médecine où charlatans et incompétents sont légion à côté d’authentiques praticiens plus avisés qui affichent quelques résultats. La population est largement acquise à ses rebouteux et à ses guérisseurs par formules magiques (diskonter), parce que les médecins sont rares : 101 en 1800, 107 cent ans plus tard, dans le Finistère, soit un médecin pour 5800 habitants !

La préfecture exhorte pourtant par des affiches en breton à consulter les médecins : D’ar mammoù ! ret eo taol evezh er c’hrouadur kerkent ma vez gwelet eo direnket e gorf : n’ouzer morse petra c’hell bezañ an direnkamant-se ; ret eo lakaat ar c’hrouadur da zioueriñ da c’hortoz ar medisin ( Aux mères ! Il faut soigner l’enfant dès la première apparition d’un dérangement de corps : on ne sait jamais ce que celui-ci peut devenir ; en attendant le médecin, mettre l’enfant à la diète absolue.)
La population consulte systématiquement ses guérisseurs et montre une grande fatalité face à la mort : Graet he deus hec’h amzer (elle a fait son temps), O te zo bev atav ! te vo ret lazhañ ac’hanout gant an horzh benniget (Tu es encore en vie ! Il va falloir t’assommer avec la masse bénite). La justice a toujours lutté contre ceux qu’elle considère comme des escrocs : Ar re a oar un tammig sorserez (ceux qui connaissent un peu de magie). Mais c’est surtout la multiplication des médecins (3000 dans le Finistère aujourd’hui) et l’assurance maladie qui ont fait reculer ce phénomène encore bien présent en Afrique. D’ici que les déserts médicaux qu’on nous prédit laisse le champ libre à une sorcellerie des temps modernes !

Bernez Rouz

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pennad orin / Texte original

D'ar mammoù !

Mervel a ra kalz re a vugaligoù vihan, ha dre hor faot.

Diwar kant krouadur a varv en o bloavezh kentañ, daou ugent anezho zo lazhet gant ur vagadurez komprenet fall, abalamour 'vez roet dezho da zebriñ re abred.

Betek c'hwec'h miz d'an nebeutañ ne gleer magañ ar bugel nemet gant laezh e vamm ; ne vez droug ebet evit astenn ar vagadurez-se.

Al loened ' zo furoc'h evidomp : magañ a reont o loened bihan gant o laezh ha ne lezont anezho da zebriñ nemet pa vez deuet o dent.

Ret eo taol' evezh er c'houadur kerkent ma vez gwelet eo direnket e gorf : n'ouzer morse petra c'hell bezañ an direnkamant-se ; ret eo lakaat ar c'houadur da zioueriñ da c'hortoz ar Medisin.

Troidigezh / Traduction

Aux mères !

Il meurt trop de petits enfants et par notre faute.

Sur cent enfants qui meurent dans leur première année, il y en a quarante qui sont tués par une alimentation mal comprise, parce que on leur a donné à manger trop tôt.

Jusqu'à six mois au moins, on ne doit nourrir l'enfant qu'avec du lait et de préférence avec le lait de sa mère ; il n'y a pas d'inconvénient à prolonger l'allaitement plus longtemps.

Les animaux sont plus raisonnables que nous : ils allaitent leurs petits et ne les font pas manger avant que les dents ne leur soient poussées.

Il faut soigner l'enfant dès la première apparition d'un dérangement de corps : on ne sait jamais ce que celui-ci peut devenir ; en attendant le Medecin, mettre l'enfant à la diète.

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Le Douget (Annick), Guérisseurs et sorciers bretons au banc des accusés 2017. http://annick.ledouget.fr/

Mandrou (R), Magistrats et sorciers au 17ème siècle, Paris, Plon, 1968.

Van Gennep (A) Le Folklore français, du berceau à la tombe, Paris, Laffont, 1998.

Mahé de la Bourdonnais (A)., La médecine du peuple, Dinan, 1975.