Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

Les gras bretons : meurlarjez – an ened

Le Carême imposait 40 jours de jeûne. D’où la tradition de faire trois jours de gras avant cette période ou l’on ne mangeait pas de viandes. La traduction en breton est meurlarjez ; ce mot vient de meurzh al lard ( le mardi du lard) qui était le paroxisme de la fête des gras qui commençait le dimanche (sul al lard).

En Cornouaille, cette période de fêtes débridées s’appelle an ened : voici ce qu’on chantait à Landrevarzec : Da ened a vez kig saout ha kig ejen ha kig maout, kig glujar, kig kefeleg (Aux gras il y a de la viande de vache, de bœuf, de mouton, de perdrix, de bécasse). Ened est connu dans tout le monde celtique : ynid (gallois), enez (cornique), inid (gaélique). De là à penser que Douarnenez ne signifie pas la terre de l’île (Douar an Enez) mais bien la terre des Gras… C’est la seule ville de Bretagne qui maintient fortement cette tradition.

C’est d’ailleurs tout près, à Poullan, qu’une complainte du XIXème siècle raconte comment trois jeunes gens ont défrayé la chronique : Daou anezhe o-deus lakaet war o c’heinoù krec’hin, da c’holo o c’habijoù ha kerniel war o fenn. An drived à soñjas mont d’ar garnel hag en-deus fouret e benn en ur penn marv : euzhus oa da welet ! (Deux d’entre eux ont mis des peaux de bêtes sur leur dos et des cornes sur leurs têtes. Le troisième eût l’idée d’aller à l’ossuaire et mis sa tête dans un crâne : il était horrible à voir !).  La complainte raconte la virée de nos trois compères :
En toulloù e zaoulagad ec’h alum flamboezoù,
Evit moned da redeg partout dre ar ruioù.
Hag eno o-deus galvet ar zent ha an aeled,
Hag hor Zalver beniget da rentañ brezel dezhe.

(Par les orbites il lançait des flammes en parcourant les rues, et les trois injuriaient les Saints et les Anges et notre Sauveur).

L’église qui combattait férocement les excès des fêtards utilisait ces chansons pour canaliser les débordements. C’est donc la mort en personne qui frappe à la porte du mécréant :
Setu emaon degouezhet da goaniañ ganit-te.
Deomp-ni hon-daou ouzh va daol savet e-barzh va bez !
Ne oa ket e gomz gantañ peurechuet
Pa yudaz an den yaouank gant ur spont kriz meurbed
Ha kouezhas plomb war e benn, gant ‘n anaon diframmet.

(Je suis venu dîner avec toi, allons plutôt à ma table dressée au milieu des tombes ! Il n’avait pas fini sa phrase que le jeune homme hurla de peur en tombant tête la première dans l’au-delà).
On ne plaisante pas avec l’Ankou !

Pennad orin / Texte original

Sitoyen Molarje
kanet gant Joseph Poupon, kuzulier kêr Landrevarzeg
Dastumet gant Henri Guillerm 
Recueil de mélodies bretonnes recueillies dans la campagne (1906)

Ar sitoyen Molarje,
A zo klanv braz var he vele :
Seiz zun ’zo n’euz debet tam,
A zo klanv gant he c’har gamm
’Benn disul pa vo maro, chou !
Ni hi intero, chou !
Ni hi intero.

Aotrou prestet d’in ho sal
Da neubeudik da zansal :
Aman a zo tud yaouank
Hag o deuz kalonou frank,
A oar dansal e peb giz, chou !
Evel kerneviz, chou!
Evel kerneviz.

Da ened a ve kig saout
ha kig izen ha kig maout,
Kig glujar, kig kefelek, chou !
ar c’habon rostet chou !
ar c’habon rostet.

Me ’m euz eun tiik var ar meaz
A zo toët gant grampoez :
Ar mogeriou ’zo great gant ioud
Hag all leur-zi gant leaz ribod,
Ar prenesti gant paper fin, chou !
Evel parchemin, chou, evel parchemin !

Troidigezh / Traduction

Le Citoyen Mardi-gras
Chanté par Joseph Poupon,conseiller municipal,Landrévarzec(Finistère)
Collecté par l'Abbé Henri Guillerm
Recueil de mélodies bretonnes recueillies dans la campagne (1906)


Le citoyen Mardi Gras
Est malade au lit
Il y a sept semaine qu'il n'a rien mangé
Il souffre de la jambe boîteuse
Dimanche quand il sera mort, chou!
nous l'enterrerons, chou!
nous l'enterrerons

Monsieur, prêtez-moi votre salle
Pour permettre à un petit nombre
De danser: ici, il y a des jeunes gens,
Aux coeurs larges, qui savent
Danser de toutes façons, chou!
Comme des Cornouaillais, chou!
Comme des Cornouaillais.

Aux gras il y a viande de vaches,
Et viande de boeufs et viande de moutons,
Chair de perdrix,chair de bécasse, chou!
Le chapon rôti, chou!
le chapon rôti.

Je possède une maisonnette à la campagne,
La toiture est faite avec des crêpes:
Les murailles sont de bouillie,
Le parquet est fait de lait baratté,
Les fenêtres sont de papier fin,
Comme du .parchemin, chou!

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Brezhoneg

Guillamot (Yann) An Ened hag ar C’horaiz & Sitoyen Molarje, in Hor Yezh N°286, Even 2016
Guillerm (Henri),  https://br.wikisource.org/wiki/Sitoyen_Molarje
Souchon (Christian) Ened Rosporden, studiadenn war veur a werzenn eus an XIXvet kantved.
http://chrsouchon.free.fr/rospordf.htm
Kervarker, Barzhaz Breizh, 1839, Ened Rosporden
http://per.kentel.pagesperso-orange.fr/ened_rosporden1.htm

Français

Les Cahiers de l'Iroise:  Carnaval en Bretagne, n°141, 1989
Van Gennep (Arnold) Le folklore français, ed Robert Laffont Paris, 1998.

English
Souchon (Christian) Rosporden carnival
http://chrsouchon.free.fr/rospordf.htm