Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

1903: Le mystère du Pater breton de Jérusalem

En pèlerinage en Terre-Sainte en 1901, le Trégorrois Louis Le Clerc découvre dans le cloître du couvent des Carmélites à Jérusalem, le Pater Nosterdécliné en 32 langues dont le breton : C’hwel aze yezh Breizh-Izel, yezh ma bro, penegwir en deus ar brezhoneg an enor da vezañ amañ e-touez ar yezhoù ar muiañ brudet eus ar bed ec’h eo ur yezh a-zoare.(Voici la langue de Basse-Bretagne, la langue de mon pays ; puisqu’elle a l’honneur d’être ici parmi les grandes langues du monde, c’est une langue respectable).

Mais il y a un hic, le texte du pater est gravé n’importe comment : Hon tat pehing son en acoun, oth hano bezet sanctipet… (Notre père qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié…). Ce massacre orthographique fait réagir le pélerin : Ne dalv ket ar boan  bezañ lakaet gerioù brezhoneg, mar boa evit o skrivañ en brizh-brezhoneg. Disneuz int holl, n’oufen ket laret peseurt liv o deus, pe ‘c’h int galleg, pe saozneg pe alamaneg(ça ne sert à rien de mettre des mots bretons si c’est du mauvais breton. Ils sont méconnaissables, on ne sait pas si c’est du français, de l’anglais ou de l’allemand)

L’abbé Kerjean, recteur de Lampaul, ouvre alors une souscription dans le journal « Le Courrier du Finistère » evit  ober adskrivañ ar Bater, war un daolenn nevez, gant ur skritur reishoc’h (pour réécrire le Pater, sur un nouveau tableau avec une écriture conforme).

L’affaire ne traîne pas puisqu’en septembre 1902 de nouveaux pélerins confirment que la nouvelle version est en place : gerioù brezhoneg eus ar c’hwekañ, skrivet gant lizherennoù nevez-flamm. Lugerniñ a ra evel ur rouanez e-touez an taolennoù all, ha gober a ra enor d’ar brezhoneg(des mots bretons des plus agréables, en lettres lumineuses. Elle brille comme une reine auprès des autres versions et fait honneur à notre langue).

Le premier texte, cousu de fautes, qui a fait hérisser le poil des pèlerins brittophones a  été gravé par un artisan local forcément ignorant du breton. Mais qui lui a fourni le texte ? La réponse est à trouver probablement dans le cloitre ou a été érigé un calvaire du Lannionais Yves Hernot. Très connu, ce sculpteur a élevé quelques 500 calvaires. Il était aussi barde et on peut imaginer qu’il ait voulu que, face à son calvaire, on puisse lire une version bretonne du Pater.

Pennad orin / Texte original

Hon tad pehini zo en neñv,
Hoc’h anv bezañ sanktifiet
Deuet deomp ho rouantelezh
Ho polontez bezañ graet
War an douar evel en neñv
Roit deomp hiriv hon bara pemdeziek
Ha pardonit deomp hon ofañsoù
Evel ma pardonomp d’ar re o deus hon ofañset
Ha n’hon degasit ket en tentasion
Hag hon delivrit a drouk.

(Pennad adsavet diwar ar pennad kentañ leun a fazioù)

Troidigezh / Traduction

Notre Père, qui es aux cieux,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
Pardonne-nous nos offenses,
comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation
mais délivre-nous du Mal.

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Le Clerc (Louis) Ma beaj Jeruzalem, p. 247 -  268-271, 1903
http://bibliotheque.idbe-bzh.org/document.php?id=ma-beaj-jerusalem-493&l=fr

Lok (Loeiz) La langue bretonne à Jérusalem in Arvor N°16, 20 avril 1941
http://mnesys-viewer.archives-finistere.fr/accounts/mnesys_cg29/datas/medias/collections/bibliotheque/presse/4MI026/FRAD029_4MI_026_1941_04_06_001_1941_04_27_004.pdf

Le pater breton à Jérusalem in Le Courrier du Finistère, 7 décembre 1901, P2
http://mnesys-portail.archives-finistere.fr/?id=recherche_guidee_plan_detail&open=5621&doc=accounts%2Fmnesys_cg29%2Fdatas%2Fir%2Fbibliotheque%2Fjournaux_et_revues%2FFRAD029_0004MI020%2Exml&page_ref=5621

Lazbleiz(Bernard), Yves Hernot, sculpteur et chansonniers (1820-1890), in Musique bretonne N° 180 p 28-35.

Nedelec (Pierre-Jean), Le Pater en breton, quatre siècles de variations, in  Kaierou Kenvreuriez ar Brezoneg, n°47, 1978, p. 13-21).
https://diocese-quimper.fr/fr/story/4954/le-notre-pere-en-breton-quatre-siecles-de-variation