Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

Préface de Trec’h ar Garantez/Le Triomphe de l’Amour de Jean-Louis Rozec (bilingue)

En 1935, c’est un événement.  Le père Jean-Louis Rozec signe un roman en breton qui raconte pour la première fois un match de Football. Les deux équipes font partie du gratin des patronages bretons : Les Cadets de Rennes sont opposés au Paotred Dispount d’Ergué-Gabéric.

Le prêtre excellent bretonnant né à Plouescat en 1898 est un de ces missionnaires montfortains basés à Guipavas qui vont arpenter sans cesse les paroisses de Basse- Bretagne pour conforter la foi notamment chez les jeunes attirés par les villes et les idéologies socialisantes.

Le patronage est alors l’arme absolue d’encadrement de la jeunesse. Aux Paotred Dispount, les « Sans Peurs » créés en 1919 on fait essentiellement de la gymnastique, du tir et du football.

Dans son breton léonard de belle facture le Père Rozec s’attache à traduire tous les termes techniques du Football «  ar polod-troad ». Ainsi le gardien de but est un paler, les arrières warlerc’hidi, les avants araogerien.

En cette année de centenaire des Paotred Dispount ce texte prends toute sa saveur.

Ce n’est pas l’essentiel du livre. Jean-Louis Rozec est un père missionnaire, c’est un militant catholique ardent : il défend les valeurs religieuses bien sur, les idées bretonnes dans la lignée du Bleun Brug, ce mouvement qui a pour devise « Feiz ha Breiz » foi et Bretagne, et l’enseignement catholique bilingue face à l’enseignement laïc.

Dans ses tournées il vient à Ergué. On trouve trace de sa présence en juin 1932 pour prêcher une retraite d’une semaine. 

Pendant cette semaine, il est accueilli au presbytère ou ils rencontrent les autres prêtres de la paroisse le recteur Louis Pennec et ses trois vicaires. 

Jean-Louis Rozec fait son miel de la guerre scolaire qui règne dans la commune. La vieille école laique de Lestonan, qui date du 1885, doit faire face à la toute nouvelle concurrence de l’école catholique qui s’est ouverte en 1928 et qui est très fortement conseillée aux enfants d’ouvrier du moulin à papier.

Le romancier imagine donc une histoire d’amour entre la fille du directeur de l’école publique et le tout nouveau maître d’école privé, gardien de but des Paotred Dispount.

Le roman à l’eau de rose ne révolutionne pas le genre. Mais l’intérêt de la prose de Jean-Louis Rozec est la peinture de la société des années trente. Ergué-Gabéric  vit un mélange peu courant d’une population ouvrière et d’une population paysanne. Les idées de gauche progressent dans une société rurale plutôt conservatrice puisque la gauche tient la municipalité de 1925 à 1929. Le romancier met aussi en scène l’industriel local, René Bolloré, sous le nom de Keraudren. Il donne du travail à des centaines d’ouvriers, finance le patronage, l’école et la chapelle du quartier se trouve dans l’usine. Les ouvriers d’ailleurs allaient à la messe pendant leur temps de travail. 

Il a aussi puisé la matière de son roman dans d’autres paroisses, notamment les nobles locaux bienfaiteurs de l’église, personnages qui n’existaient pas à Ergué. Jean-Louis Rozec a donné des noms de son pays natal à ces deux nobles : Monsieur de Kerguaoc (Kerguaoc est un village de Plouider) et Monsieur de Pontusval (lieu-dit à Brignogan). 

Mis à part les deux premiers chapitres qui racontent le matche de Foot-Ball , Ergué-Gabéric devient Kerdorozenn (Le village de la colline) dans le reste du roman.

L’écrivain excelle dans l’art de caricaturer l’adversaire : le directeur de l’école laïque est « Le pire athée des enseignants laics », les deus autres instituteurs sont l’un socialiste, l’autre communiste, ils apprennent « L’internationale » aux enfants… Le mal c’est l’école laïque. Il aiguise sa plume de polémiste dans le journal Breiz, publié à Guingamp :

« Skol evit netra, skol a netra », l’école pour rien est une école qui ne vaut rien.

Publié d’abord en 1934 dans l’hebdomadaire Breiz, Jean Louis Rozec signe Brogarour (Celui qui aime son pays). Le roman Trec’h ar Garantez est édité en 1935 aux presses d’Armor à Guingamp. Les qualités d’écrivain de Rozec sont saluées, mais avec réserve :

« Il écrirait de bons livres s’il voulait bien se rapprocher davantage de la vie et s’éloigner de l’apostolat ».

Le côté caricatural du roman nous fait sourire aujourd’hui. Mais on oublie la tonalité de l’époque. Face aux idées socialisantes l’église alors toute puissante, menée par une évêque combatif, Adolphe Duparc, se raidit sur des positions très conservatrices. Un groupe de la J.A.C. (Jeunesse agricole chrétienne) se crée à Ergué en 1931. Groupe de reflexion on y discute du communisme « doctrine de haine et de destruction », de l’encyclique sur « les ouvriers qui ont une âme à instruire et à sauver ont besoin d’un salaire qui leur procure une existence à peu près aisé ».

Comment amener les ouvriers et les ouvriers agricoles vers la religion est un des thèmes récurrents des réunions. La création d’une école privée en milieu ouvrier à Lestonan, répond à cette préoccupation.

L’abbé Rozec dans son roman montre non seulement la victoire de l’amour mais plus encore la victoire d’un camp sur un autre et la conversion bien sur du maitre d’école laïc.

N’est ce pas le rêve de tous les missionnaires de convertir les irréductibles ?

Roman sociétal par excellence, le Triomphe de l’amour, mérite une réédition par la peinture affutée de la société des années trente. Un rappel du climat manichéen qui régnait entre les deux guerres en Basse Bretagne. Le triomphe des Paotred Dispount fera plaisir à tous les nostalgiques de l’idéal sportif amateur, quant aux bretonnants ils se régaleront du texte de Jean-Louis Rozec, l’un des missionnaires les plus réputés de l’entre deux guerres qui savaient allier clarté, emphase et persuasion. 

Ce texte doit se lire avec du recul et être pris pour un témoignage sur les tensions d’une époque révolue. Il fait maintenant partie de notre patrimoine.

Raklavar

Dizoloet ‘m eus Jean-Louis Rozeg gant levr Francis Favereau Antologiezh al lennegezh vrezhoneg. Dre ur pennadig tennet eus ar romant Trec’h ar garantez em eus lennet e komze eus va farrez genidik An Erge-Vras. 

Kerkent ha prenet al levr e oa sklaer e ouie an den eus doareoù va hendadoù. Sed ‘m eus klasket roudoù eus an den ha kavet ‘m eus er c’hannadig parrez ha pelloc’h e dornskrid ar person.

Jean-Louis Rozeg a oa misionaer eus urzh Sant Jakez a Montfort. Mont a rae da brezeg misionoù un tamm pep lec’h er vro. Derc’hel ar feiz, derc’hel ar yezh, derc’hel ar gizioù kozh, evitañ kement-se a yae asamblez. 

Paotr ar feiz e oa, hag ur feiz kreñv ha kalet e-giz oa bet desket dezhañ en e vro gatolik Bro Leon. Ganet eo bet e Ploueskad e 1898. Ur gronikenn « An taol Lagad » a skrive kazi beb sizhun er gelaouenn « Breiz » savet gant Yves Le Moal, ur gelaouenn kristen e brezhoneg. « Ar relijion da gentañ, eno eo emañ ar silvidigezh rak eno emañ ar wirionez hag an dever ».

Stourm a rae evit ar skol gatolik hag a-enep ar skol lik : « Ar skol laik a zo galvet da vezañ magerez ar spered komunist, da vezañ skol ar revolusion ». Goulenn a rae e vije an div skol heñvel ouzh al lezennoù : « Pegoulz e vezo skolaerien Bro C’hall evit ober katekiz er skolioù ? Pegoulz e vezo gwelet skolioù katolik paeet gant ar gouarnamant nann gant ar Gatoliked o-unan ? »

Difenn kreñv a ra ar reolenn divyezhek er skolioù, da laret eo implij ar brezhoneg gant ar vugale evit deskiñ dezhe ar galleg, o sentiñ e-giz-se d’an Ao. Eskop Duparc : « Il est inadmissible que des élèves bretons quittent une école libre urbaine ou rurale sans savoir le Breton ». Skrivañ a rae dija e oa fall stad ar brezhoneg er bloavezhioù tregont:

« Biskoazh n’eo bet ken tost d’e varo ha ma ne deuer ket prim war e sikour emañ graet gantañ da viken ». 

Petra sonjfe hiziv, pag eo adembannet e benn oberenn Trec’h ar Garantez. ? Ur romant a dalvez dreist holl evit taolenn ar vuhez sokial e Breizh Izel pa oa brezel ar skolioù o ren. Tud an Erge a gavo ouzhpenn taolenn vev ur match mell-droad eus ar Baotred Dispont ha skeudenn an Aotrou Bolloré, rener ar Veilh Baper, madoberour ar barrez.

Pennad orin / Texte original

Troidigezh / Traduction

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin