1848 : Le glossaire nautique d’Augustin Jal fait la part belle au breton
Avec 1591 pages et 25310 notices, Augustin Jal a fait oeuvre pionnière d’importance au tournant du XIXème siècle. Son dictionnaire se veut historique et polyglotte c’est-à-dire qu’il a fait son miel des vocabulaires de toutes les grandes nations maritimes du monde. Rédigé en français l’auteur ne néglige pas ce qu’ont apporté les marins nordiques, ibériques, italiens, chinois, turcs à la navigation. Il intègre à son ouvrage des peuples qui ont marqué l’histoire maritime de l’Europe comme les Basques, les Islandais, les Gênois et les Bretons.
Les 1709 locutions et mots bretons de son geriaoueg ar mor (glossaire nautique) proviennent pour beaucoup des dictionnaires de Le Gonidec et de Grégoire de Rostrenen. Mais l’auteur a passé tous les mots à la moulinette de Maître Ezou, un léonard de la pointe St Mathieu qu’il a rencontré à Toulon sur la Junon, ul lestr a vrezel, (un navire de guerre). Il nous détaille les navires de l’époque : lestr a linenn (navire de ligne), lestr a zaou pont (navire à deux ponts), lestr marc’hadour, navire de commerce.
Il recueille les termes techniques de la marine à voile : kastell ar wern vras (grande hune), kastell ar wern vihan (la hune de misaine), kastell ar valouin (huine de beaupré), kastell ar wern volosk (hune d’artimon), gwernik (matereau). Parfois il donne plusieurs variantes : maneuvre se dit merdeiñ ou mordeiñ ou encore maneuvriñ (sic). Cette corruption de la langue vient du service militaire dit-il c’est pour celà qu’il s’efforce de donner les mots bretons correspondants. Ainsi abordiñ ur vatimant côtoie stekiñ ul lestr.
Maître Ezou apporte aussi sa contribution au vocabulaire marin. Il propose loveat en plus de leviat pour gouverner un bateau. Parfois il fait des remarques étonnantes. La forme francisée de caillebotis kaliboti, est sinonyme de fragilité et de légèreté. Ainsi une fille surnommée kaliboti se sentirait outragée par ce qualificatif !
Il nous apprend des mots qui ne sont dans aucun dictionnaire comme konapr qui signifie hache.
Les amoureux de la marine ancienne trouvent grâce de trouver une kyrielle d’expressions : lakaet eo ar c’hentañ kambon (on a placé la première varangue), kargañ al lien (carguer les voiles), Leun eo ar mor a gerreg (La mer est parsemée de rochers), mestr gwernier (maître mâteur), mestr goueleier (chef des voiliers). Un travail considérable qui rappelle que la Bretagne a de tout temps été un grand pays maritime.
Pennad orin / Texte original
Troidigezh / Traduction
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Jal (Augustin), Glossaire nautique, Paris, 1848
Le Bris (Daniel), L'élément breton dans le glossaire nautique de Jal, Thèse
Le Bris (Daniel), La pratique du breton nautique vue par Augustin Jal, lexicographe et historien du XIXe siècle, Actes du 124e Congrès national des Sociétés savantes, Paris CTHS, 2003, p. 281-289.
Zysberg (André), Ridel (Elisabeth), Nouveau glossaire nautique d'Augustin Jal, éd. Cnrs,
Acerra (Martine), Le nouveau glossaire nautique d'Augustin Jal, in Histoire, économie, société, °3 1988