Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

1940 : La bataille de France vue par Fañch Couer, chroniqueur du Courrier du Finistère

Il y a 80 ans les Français devaient faire face à l’invasion allemande. Il est interessant de suivre dans les journaux de l’époque l’état d’esprit de nos compatriotes. Début mai on peut lire dans le Courrier du Finistère sous la plume de Fañch Couer (Fañch le paysan) : Ar viktor a vezo deomp, biskoazh hon arme n’eo bet ken prest da ziarbenn an enebourien (La victoire sera à nous, jamais notre armée n’a été aussi prête à repousser l’ennemi). Dès que les Allemands sont en France, l’hebdomadaire catholique appelle à la prière : Greomp sevel war-zu Doue hor pedennoù birvidik evit hon soudardet, martoloded hag ar Frañs (Adressons à Dieu nos prières ardentes pour soutenir nos soldats, nos marins et la France).
Le ton est parfois martial : kaer en deveze ar Boch fringal, e groc’hen hor bezo ! (Les Boches auront beau caracoler on aura leur peau) ou plus réaliste : Plantomp kalz a bour, a ognon, a saladenn, a ariko glas ha sec’h, karotez, gwinizh du hag all. Labouromp, pedomp, reizhomp mat hor buhez, skoazellomp evel-se hon difennourien ken karet hag hor bro (Plantons des poireaux, des oignons, des salades, des haricots verts et secs, des carottes, du blé noir… Travaillons, prions, ayons une vie rangée, aidons ainsi nos défenseurs si aimés et notre pays).
Bien entendu on ne trouvera aucune critique sur la gestion de crise par le gouvernement et les généraux, censure oblige.
S’il y a défaite c’est la faute de la cinquième colonne : Hitler, An torfedour-se a bae un niver bras a espioned dre ar vro evit diskar moral ar Frañsizien ; hag an dud diskiant a ro skouarn ha teod dezho, a skign dre ar vro a bep seurt sorc’hennoù diotoc’h ha fallakroc’h an eil evit eben ( Hitler, ce criminel paye un grand nombre d’espions pour saper le moral des Français. Et les gens insensés qui leur prêtent oreille raconte partout des bobards plus bêtes et méchants les uns que les autres).
En juin, le défaitisme commence à gagner la population : E-pad ma ruilh ar gwad; e-pad m’emañ an dud kaezh o tec’hed diouzh ar ger, petra glever dre amañ ? Daoust ha ne vez ket gwelloc’h sinañ ar peoc’h diouzhtu ? ( Alors que le sang coule, que les réfugiés doivent quitter leurs maisons, qu’entend-t-on par ici ? Est ce qu’il ne vaudrait pas mieux signer la paix ?)
Prémonitoire, le journal publie le 15 juin un portrait du tout nouveau secrétaire d’État Charles de Gaulle qui se termine par cette phrase : « Et maintenant le général de Gaulle attend l’ennemi pour l’écraser. »

Pennad orin / Texte original

Fiziañs bepred

Arabat eo krediñ e c’hellimp dont a-benn da reiñ lamm d’an Almagn heb bezañ gwasket hon-unan ! Bremañ an tangwall a zo krog da vat ! An distruj a ra a zo ker spontus ma ne c’hellomp ket kompren petra eo…
Miz Mae, ar bloaz-mañ a chomo merket don e spered an dud. Hon enebourien o deus graet deus miz ar fleur, miz kaerañ an nevez-amzer, deus miz Mari, un amzer a drubuilh hag a spont…
N’eo ket gant hirvoudoù e vezo roet lamm d’an dud digernezh a zo adarre sailhet war hor bro ! Selaouit komzoù ar re a zo karget da hentchañ hor bro, koulz ha bro Saoz ! Komz a reont gant nerzh kalon ha lavarout a reont ar wirionez heb damantiñ…
Biken n’hor bije kredet e vije bet adarre Bro-Frañs frigaset gant kanailhez an Almagn ! O na pebezh ranngalon evidomp-ni, soudarded ar vrezel all.

Fañch Couer
Le Courrier du Finistère
15 a viz Even 1940.

Troidigezh / Traduction

Gardons confiance

Il ne faut pas croire qu'on battra l'Allemagne sans sacrifices. Maintenant l'incendie ravage tout. Les destructions qu'il apporte sont si épouvantables qu'on ne peut pas s'en rendre compte...
Le mois de mai cette année restera marqué profondément dans la mémoire des gens. Nos ennemis ont fait du mois des fleurs, le plus beau mois de printemps, le mois de Marie, un temps de troubles et d'épouvantes...
Ce n'est pas par des incantations qu'on combattra les gens impitoyables qui ont de nouveau envahi notre pays ! écoutez ceux qui sont chargés de conduire notre pays tout comme celui des Anglais ! Ils parlent avec force, coeur et ils disent la vérité sans crainte...
Jamais nous n'aurions pensé que la France soit broyée par la canaille allemande ! O quel déchirement pour nous, les combattants de l'autre guerre.

Fañch Couer
Le Courrier du Finistère
15 juin 1940

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Le Courrier du Finistère, 1940, Archives départementales du Finistère
http://mnesys-viewer.archives-finistere.fr/accounts/mnesys_cg29/datas/medias/collections/bibliotheque/presse/4MI020/FRAD029_4MI_020_1940_05_04_001_1940_05_25_004.pdf