Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

1969 : Pirc’hirin kala-goañv / Le pélerin de la Toussaint : l’homme qui parlait avec l’au-delà

Gazé à la guerre 14-18, Fañch Eliés-Abeozen a raconté l’horreur des champs de bataille dans Dremm an Ankou (Le visage de la mort). Cet épisode où il a frôlé la mort, l’a marqué profondément et va l’inspirer pour Pirc’hirin kala-goañv, une nouvelle fantastique publiée par Al Liamm en 1969.

Elle raconte la vie de Jampi, enfant de Guimiliau qui depuis son enfance est considéré comme simplet :

  • Da belec’h eo aet adarre da spered Jampi ? A c’houlenne e vamm.
  • Amañ emañ mammig, nemet o komz ganto e oan. Ar re se a zo en dro deomp ha na welomp ket. Met o c’hlevout a ran mat-me ha kaozeal a reont ouzhin bep an amzer

( Où est parti ton esprit encore Jean-Pierre ? Demandait sa mère. – Je suis là maman, mais je parlais avec eux. Ils sont autour de nous, nous ne les voyons pas mais je les entends bien et ils me parlent de temps en temps.)

Quand il se marie il doit expliquer à son épouse, pourquoi son esprit est absent parfois : Evel pa vefen a-c’haoliad war daou ved amezek ha disrann : unan, hoc’h hini-c’hwi hag un all, na welit ket, o virout ouzhin d’ober netra a-zoare en hemañ (comme si je vivais à cheval dans deux mondes voisins mais séparés : l’un, le vôtre, et l’autre, invisible, qui m’empêche de ne rien faire de bon dans cette vie.

Le mariage périclite, son travail aussi, il sombre dans l’alcoolisme : Lonkañ a rae e-unan-penn en ur fumiñ e korn pellañ an ostaleri. Hag e fiñve dibaouez e vuzelloù hag e pare selloù e zaoulagad en tu all d’an traoù a oa dirazañ. (Il buvait seul dans un coin du bistro en fumant sa pipe, ses lêvres bougeaient tout le temps et son regard se perdait loin des objets proches de lui).

L’épilogue survient à la Toussaint, sur la tombe de sa mère qui lui explique le pourquoi de sa destinée : N’on ket marv Jampi, te oar mat, va mab, da ene on aet ha netra ken. Me eo a zo kiriek, re a soñjen en Anaon p’edon-me ouzh da zougen (Je ne suis pas morte, Jean-Pierre, tu le sais bien mon fils, je suis une âme maintenant. C’est de ma faute car j’ai trop pensé à l’au-delà quand j’étais enceinte de toi).

La conclusion vient d’elle-même : – Vad a Rez din, mamm, setu ma kavan ur ster d’am buhez digevannez. Poent eo echuiñ bremañ. Skuizh on. Hag e c’hourvezas war ar maen-bez. (Vous me faites du bien, ma mère, voici que je comprends pourquoi ma vie est si vide. Je suis fatigué.

Et il s’allonga sur la pierre tombale).

Pennad orin / Texte original

Pirc'hirin kala-goañv

Mont a reas d'an oferenn-bred ha d'ar gousperoù. Gant e lein e oa bet e ti e genderv kompez, Herve Rognant, war hent Sant-Tegoneg. Un tammik muioc'h dianket e soñjoù e voe kavet marteze. Reiñ a reas ur profig mat d'ar re vihan pa loc'has da vont d'ar vered ur wech all a-raok skeiñ war-du an hent houarn da dapout an tren eizh eur noz.

Pa sutas an tren avat, edo c'hoazh Jampi war bez e dud. N'oa ket chomet war e zaoulin. Azezet oa bremañ war ar maen-bez hag e fiñve e vuzelloù gwashoc'h eget biskoazh.

  • Mat, mamm, eme Jampi, me ne fell ket din mont da Vrest ken. Amañ eo e fell din dont en ho kichen-c'hwi, evel m'hoc'h deut e-kichen va zad.
  • Chom, va mab, a responte ar vamm, en un tu bennak, na tost na pell, na joa na doan en he mouezh sioul.

Al Liamm, Embannadur 1969. P. 21

 

Troidigezh / Traduction

Le pélerin de la Toussaint

Il alla à la grand-messe et aux vêpres. Il prit son goûter chez son cousin germain, Herve Rognant, sur la route de Saint-Thégonnec. Celui-ci le trouva peut être un peu plus absent que d'habitude. Il fit un joli cadeau aux enfants et il parti pour le cimetière une nouvelle fois avant de partir à la gare pour prendre le train de 20h.

Quand le train siffla, il était encore sur la tombe de ses parents. Il n'était plus à genoux. Il s'était assis sur la pierre tombale et ses lêvres murmuraient plus que jamais.

  • Bien, maman, dit Jampi, je ne veux plus retourner à Brest. Je veux rester près de vous comme vous avez fait pour mon père.
  • Reste mon fils, répondit la mère, d'une voix calme, ni triste ni joyeuse venant d'un endroit indéterminé ni proche ni lointain.

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Abeozen : Pirc'hirin kala-goañv, Al Liamm, 1969, adembannadur 1986.
Abeozen, Le pélerin de la toussaint, traduction Mikael Madeg, An alarc'h emb., 2011, 198p.
Abeozen, Nieuws van het Westen, tr. néerlandais,  Jan Deloof, 2014.
Favereau (Frañsez), Anthologie de la littérature bretonne du XXème siècle, T.2, Skol Vreizh, 2003, P.331-357.
Raoul (Lukian), Geriadur ar skrivagnerien ha yezhourien, Al Liamm, 1992, p98-99