1918-1944 : Anthologie de la litterature bretonne T. 2 : la rupture avec le monde ancien
Dans cette période, Frañsez Favereau distingue deux courants : une continuation des écrits liés à l’ancien monde rural et catholique et une rupture de la part d’une génération nouvelle plus urbaine qui veut créer une littérature moderne. Leur théoricien est un professeur d’anglais brestois, Roparz Hemon : Ezhomm ebet d’hol lennegezh heuliañ an hentoù kozh. Ur wech dichadennet, tachenn ebet ne vo ec’hon a-walc’h eviti…Ha ma n’eus mui anv ganti eus al lanneier alaouret hag eus tour dantelezet an iliz, petra vern ? (Notre littérature ne doit pas suivre les vieux chemins. Une fois libérée, aucun terrain ne sera assez vaste pour elle. Et si on n’y évoque plus les landes d’or et les dentelles de pierre des clochers, quelle importance !)
Gwalarn (vent de nord-ouest) sera le fer de lance de ce courant qui se cristallise autour de trois auteurs selon F. Favereau : barzhoniezh andoniet a-nevez (gwellañ oberoù Roparz Hemon), danevelloù berr kizellet kaer Jakez Riou (marvet diwar an droug skevent e 1937), romant freskenn Youenn Drezen livet flamm-flimmin. (Poésie ressourcée (la grande réussite de Roparz Hemon), nouvelles ciselées de Jakez Riou (mort de la tuberculose en 1937), fresques romanesques de Youenn Drezen.)
Dans cette période marquée par l’influence des idéologies extrêmes, on trouve des écrivains de tous les bords de l’arc en ciel politique. Frañsez Favereau a choisi de tout mettre sur la table : Pas tevel war mann ebet a gement a c’hallje rekouriñ ar re yaouank da gompren er jeu-se ha da intent traoù zo (Ne rien taire de significatif, laissant chacun libre de son jugement).
Le bilan de Gwalarn est conséquent : levrioù evit ar vugale (livres pour enfants), levrioù pemp gwenneg (livres à cinq sous) pour les apprenants, levrioù da zeskiñ, (ouvrages pédagogiques) levrioù skiantel (livres scientifiques) et bien sûr tous les genres classiques d’une littérature qui revendique l’universalisme de ses thèmes tout en gardant un certain enracinement.
Le rayonnement de Gwalarn reste limité à l’époque à cause du choix d’un brezhoneg uhel (breton littéraire). Dans le contexte d’une exclusion du breton de l’école, la grande masse des bretonnants ne savaient lire que Buhez ar sent (vie des Saints), les cantiques ou les chansons sur feuilles volantes, mais l’esprit Gwalarn marque durablement les lettres bretonnes de la fin du siècle.
Pennad orin / Texte original
Ar pez a fell d'imp ober :
Da genta, rei tro d'ar pep desketa eus hor skrivagnerien yaouank da rei d'ar pep desketa eus ar Vreiziz oberennou nevez.
D'an eil, sklerijenni Breiz diwar-benn ar broiou all, strujusaat ha pinvidikaat he spered dre о spered.
N'omp ket eus ar re a gred e tleer sevel pep labour lennegez « er-maez a bep kredenn bolitikel hag a bep feiz ». Tevel war se, eo peurliesa daskori d’an netra eus darn eus ar Me ; trouc’ha ha machagna an ene n'eo ken. Hogen, lavarout e tle beza ar feiz- mañ-feiz pe ar gredenn-mañ-kredenn ar Feiz hag ar Gredenn neus nemeto, setu eun dra na raimp biken. Gant ma sello skridou hor c'henlabourerien ouz al lennegez, ne c'houlennimp netra muioc'h diganto.
Souezet e vo darn, moarval, gand ar menoziou a vo displeget ganimp amañ meur a wech. Menoziou d.'imp-ni hon eus diwar- benn hol labour. N'omp ket difur a-walc'h da gredi eman ganimp an holl wirionez. Evit lod eus hor c'heneiled, dishenvel e c'hello beza ar pal, hag an hent. Aman c'hoaz, gant ma legasint d'imp skridou mal, nc c'hpulerinimp netra muioc'h diganto.
Roparz Hemon
Troidigezh / Traduction
Un mot d'introduction (Gwalarn N°1/ 1925)
Ce que nous voulons :
D'abord il s'agit de donner l'occasion aux plus instruits de nos écrivains de fournir aux plus instruits des Bretons des oeuvres nouvelles.
Ensuite il s'agit d'éclairer la Bretagne sur la situation des autres pays, de féconder et d'enrichir son esprit par leur esprit propre.
Nous ne sommes pas de ceux qui croient que l'on doive aborder toute création littéraire "en dehors de toute croyance politique et de toute foi". Taire cela revient généralement à vouer au néant une portion du Moi ; ce n'est là qu'ablation et amputation de l'âme. Mais affirmer que telle ou telle foi ou que telle croyance précise sont les seules et uniques, voilà une chose que nous ne ferons jamais. Pourvu que les écrits de nos collaborateurs soient de la littérature, nous n'exigerons d'eux rien de plus.
D'aucuns seront surpris, probablement, par les concepts qui seront développés ici à diverses reprises. Nous avons nos propres idées sur notre tâche. Nous n'avons pas l'imprudence de croire que nous détenons l'entière vérité. Pour certains de nos compagnons, le but comme la voie peuvent être différents. Là encore, pour peu qu'ils nous fassent parvenir de bons manuscrits, nous ne leur demanderons pas d'avantage.
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Favereau (Francis), Lennegezh vrezhonek an XXvet kantved, Skol Vreizh, 2003, Breiz Atao hag ar re all el lennegezh, Skol Vreizh 2003
Favereau(Francis), Anthologie de la littérature bretonne au XXème siècle, tome II, Breiz atao et les autres en littérature, Skol Vreizh 2003