Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

1929 : Pellgent Loc’h Laoual / Noël fantastique à la Baie des Trépassés

Les contes de Noël sont une tradition dans la littérature bretonne. Dans le Courrier du Finistère, Youenn Drezen publie un court récit tout a fait étonnant. Pendant la Révolution, un prêtre réfractaire va célébrer la messe de Noël dans une grotte du Cap Sizun, entre la baie des Trépassés et la Pointe du Van. Ne c’helled mont ennañ nemet dre izelvor. Bremaik end-eeun e vezo stanket gant al lanv? Ha ne c’hello den dont d’ober diskan fallakr da gantikoù ar Mabig Jezus (On ne pouvait y accéder qu’à basse-mer. Tout à l’heure les flots en rebouchera l’entrée. Et nul mal intentionné ne pourra déranger les chants de Noël en l’honneur du Petit Jésus).
Toute la population du Cap se pressait vers la grotte, mais aussi les soldats républicains qui craignaient un débarquement de troupes royalistes. Neuze e teuas betek ennon un trouz, pell du-hont, en tu all d’al loc’h evel ur gurun ingal, evel ur vandennad tud o vale. Soudarded ar Pont ! ( Alors j’entendis un bruit lointain l’autre côté de l’étang, comme un grondement de tonnerre. Les soldats de Pont-Croix !). Mais ils n’étaient pas les seuls à converger vers Loc’h Laoual : Krenañ a raen e-giz ur c’hi kozh dindan ar glav, krenañ a raen gant ar spont hag an nec’hamant rak ar a oa o tiskenn hebiou din n’oant ket evel ar gristenien (Je tremblais comme un vieux chien trempé, je tremblais d’épouvante et d’angoisse, car ceux qui descendaient derrière moi n’avaient pas l’apparence de Chrétiens).
Et voilà que débarque la grande procession des noyés de la submersion de la Ville d’Ys. Tous les ans, ils sortent de la baie des Trépassés pour entendre la messe de minuit, et être délivré de leur malédiction.
Pas de chance les soldats sont là et abattent le célébrant d’un coup de fusil. C’est la mêlée : An Anaon, kounnaret trumm o doa sailhet war ar soudarded dizoue. Luc’hed eus an neñv, luc’hed an tennoù fuzuilh, freuz ha reuz, ronkelloù, gwazed o vougañ pe o veuziñ el lec’hid hag e touez ar c’horz. (Les âmes des trépassés en furie avaient sauté sur les soldats impies. Éclairs dans le ciel, éclairs des coups de fusil, saccage et carnage, râles d’hommes qui se noient ou s’étouffent dans la vasière ou la roselière). Le lendemain, la République avaient perdus corps et biens deux compagnies de soldats. 
Douze nouvelles de Youenn Drezen ont été rassemblées dans le recueil Pellgent Loc’h Laoual aux éditions Al Liamm.

Pennad orin / Texte original

Bale a reomp da gentañ war ur gwiskad traezh gwenn, ha goude war ar bili. Pelloc’h e oa ul linennad bezhin, o verkañ betek pelec’h e pigne ar mor. Unan bennak a enaouas ul letern, evit sklêrijennañ. Kougon Galon a yae don-don dindan an douar. Rankout a rejomp pignat evel dirioù mein dourek, tremen o taoublegañ, dre ur riboul strizh, evit degouezhout en ur c’hav frank evel iliz Sant Korantin Kemper.

Un aezhenn tomm ha yen a c’hwezhe er c’hav, bep ar mare. Sardon ar mouezhioù a drouze eno evel an dour o virviñ en ur gaoter bras-mantrus. Fanolioù, istribilhet, du-mañ du-hont, ouzh ar vein, a daole en-dro dezho kurunennoù a sklêrijenn melenek ha pikous, e-pad ma chome ar gristenien en deñvalijenn.

Tre da laez, emañ an aoter, ma vo kanet an oferenn bremaik : ur maen plat diwar an aod, e traoñ ul lien bag dalc’het war stign gant roeñvoù, ha kempennet gant bodoù balan nevez-troc’het : ur baradoz dister siwazh ! dister evel kraou Bethleem da reiñ degemer da Vab Krouer ar Bed.

Pellgent Loc'h Laoual ha danevelloù all
p.25-26 emb Al Liamm 2020

 

Troidigezh / Traduction

Je pénétrai dans la grotte à la suite des autres. Nous marchions d'abord sur une couche de sable jaunâtre puis sur les galets. Plus loin, il y avait une ligne de goémon qui marquait la limite atteinte par la mer. Quelqu'un alluma une lanterne pour éclairer.Koulon-Galon s'enfonçait très loin sous la terre. Nous dûmes gravir une espèce d'escalier de pierres humides, passer en nous courbant par un sentier étroit, pour pénétrer dans une cave aussi ample ou presque que la cathédrale St Corentin de Quimper.
Un souffle chaud et froid passait dans la cave à tout instant. Le bourdonnement des voix y bruissait comme de l'eau bouillante dans une immense chaudière. Des fanaux accrochés deci delà aux parois de pierre, jetaient autour d'eux des couronnes de lumière jaunâtre et faiblarde qui laissaient les chrétiens dans l'obscurité.
Tout à fait au fond est l'autel sur lequel sera chanté la messe tout à l'heure. Une pierre plate de la côte au pied d'une voile de bateau que des avirons tiennent tendue et qu'ornent des ramleaux de genêts fraichement coupés. Un paradis humble, hélas !... Humble comme la crèche de Bethléem pour faire accueil au Fils du créateur du monde.

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Drezen Youenn, Pellgent Loc'h Laoual ha danevelloù all, emb. Al Liamm, 2020

Drezen (Youenn), Nuit de Noël à l'étang de Laoual, in Ar Soner N°59, 
http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/cle_59/Ar_Soner_1955_.pdf