Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

1829 : Le voleur d’ajoncs (Al laer lann), la tradition de l’homme dans la lune

La pleine lune a toujours excité les imaginations : Kann al Loar, la pleine lune permet d’y voir des formes, des ombres. Dans la tradition bretonne on craint la lune, spécialement celle de Mars nous dit un dicton : An dud kozh hag ar c’hozh kezeg, gant Loar Veurzh a vez gwallgaset (Les personnes âgées et les vieux chevaux sont malmenés par la lune de Mars.) ou encore Loar Veurzh a garg karrigell an ankoù (La lune de Mars remplit la charette de la Mort).

Pour les Bretons, les tâches sur la lune sont des représentations des voleurs, des menteurs, des blasphémateurs. Le plus célèbre est le voleur d’ajonc, al laer lann. Celui-ci surpris avec une fourchée d’ajoncs sur le dos est interpellé : Ha prest out da douiñ dirak al Loar n’eo ket bet laeret ar fagodenn lann-se ? (Tu serais prêt à jurer devant la lune que tu n’as pas volé ce fagot de landes ?). Ra vin lonket gant al loar, ma meus kemeret al lann-se war ho touaroù (Que la lune m’avale si j’ai pris cet ajonc sur vos terres). Et aussitôt dit aussitôt fait : Oa ket e c’her peurachuet, Gant al Loar Vras oa bet lonket (Il n’avait pas fini sa phrase que la pleine lune l’engloutit).
Cette tradition nous est racontée par le Morlaisien Alexandre Ledan dans ses « Conferançou curius util hag interesant evit amuzamant an dud diwar ar maez » (Conférences curieuses utiles et intéressantes pour amuser les gens de la campagne), un livret publié en 1829 : Ur gwaz o vezañ aet da laerezh ur fagodenn Lann, hen ereas gant ur gordenn, en ur ober dre waperezh war ar fagodenn, ur groaz gant e viz, hag o lavaret : « al loar d’am lonkañ ma na ran un tan mat gant va fagodenn ». Ne oa ket echu e c’her ma voe cheñchet ar fagodenn en ur maen, hag ar gwaz lonket gant al loar (Un homme avait volé un fagot d’ajonc qu’il lia avec une corde. Puis traçant dessus par dérision une croix avec son doigt il dit : « Que la lune m’emporte si je ne fais pas un bon feu avec mon fagot » . Il n’avait pas achevé sa phrase que le fagot fut changé en pierre et que lui-même fut emporté sur la lune).
Ce qui est intéressant, c’est que cette tradition du paysan puni qui porte son fagot d’épine sur la lune est commune à beaucoup de pays d’Europe. Cette tradition a été décrite en latin pour la première fois en 1217 par un Anglais, Alexandre Neckam, et déclinée dans une kyrielle de langues par les conteurs, véritables magiciens de la tradition orale.

Pennad orin / Texte original

Al laer Lann

(Dastumet e Lohueg gant Daniel Giraudon)

Aet e oa ar paour da laerezh lann ha nâ lakaet un dramm re oa ket kad da sammañ e vec'h hag en doa laret : "Me c'houlenn bezañ lonket gant al loar ma n'on ket kad da sammañ hemañ. Hag e oa bet sammet diouzhtu, aet gant al loar.
Gwechall veze sachet ar bec'h war e gein e mod-se. Petra ' oa ur samm lann ? Teir dramm a veze lakaet aze ha goude-se veze lakaet teur all war c'horre ha c'hwec'h dramm a oa sañset ur bec'h ha eñ en doa troc'het nav hag en doa lakaet nav kement a laerezh muioc'h ha ne oa ket kad da sachañanezhañ war e gein hag en doa goulennet bezañ lonket gant al loar.

Daniel Giraudon, Du soleil aux étoiles, Coop Breizh, 2007, p.72

Troidigezh / Traduction

Le voleur d'ajoncs

(recueilli à Lohuec (22) par D. Giraudon

Le gars était allé voler de l'ajonc et il avait voulu porter une brassée de trop. Il ne pouvait pas soulever le fardeau et il avait dit : "Que je sois aspiré par la lune si je ne suis pas capable de le soulever !" et comme on s'y attend, il avait été aussitôt emporté par la lune.
Autrefois on soulevait un fardeau comme ça sur le dos. Qu'est ce qu'on appelait un fardeau ? On mettait trois brassées, plus trois autres par dessus, et six brassées constituaient un fardeau. Et il en avait coupé et placé neuf. Il ne pouvait les mettre sur son dos et il avait demandé à être enlevé par la lune.

Daniel Giraudon, Du soleil aux étoiles, Coop Breizh, 2007, p.72

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Giraudon (Daniel), Du soleil aux étoiles, traditions populaires de Bretagne,  Spezet, Coop-Breizh, 2007.

Loth (Joseph), Notes lexicographiques, al loar, in Etudes celtiques, 1915.

Le Carguet (Henri), Météorologie populaire du Cap-Sizun, in Revue des traditions populaires, N°12, décembre 1902, p. 38

Neckam (Alexandre), De naturis rerum libris, 1200, p.54

Sébillot(Paul), Le folklore de la France, le Ciel et la terre, Paris, 1904.

Ledan (Alexandre), Conferançou curius, util hag interesant evit amusamant an dud diwar ar maez, 1829, réédition, Rennes, TIR,  présenté par Erwan Hupel et Hervé Peaudecerf.