1871 : La Commune rouge de Paris dans les chants populaires bretons
On connait une quarantaine de chansons en breton sur la guerre de 1870. Certaines d’entre elles sont spécifiquement consacrées à la Commune de Paris qui refuse la capitulation du gouvernement français face aux Prussiens. Ar gêr eus a Bariz a ya da revoltiñ Aet eo ar Gomun ruz da vestr ar Gapital (La ville de Paris s’est révoltée, la Commune Rouge est maîtresse de la capitale) écrit Jean-Marie le Hent de Kerien dans sa Gwerz (complainte) Fallagriezh ar Gomun ruz e Pariz (Les actions scélérates de la Commune rouge de Paris).
La description qu’il nous fait des insurgés est sans ambiguité : Al laeron eus ar bed, ar fallañ friponed, Mevelien Lusifer, tout ez in diredet da lazhañ beleien, da danañ, da laerezh (Tous les voleurs du monde, la pire fripouille, les valets de Lucifer ont tous accouru pour tuer les prêtres, mettre le feu et piller). On ne connait pas de chants en breton favorables aux Communards, pourtant les Bretons prirent une part importante dans cette révolte. 945 d’entre eux ont été condamnés, on ne connaît pas le nombre de morts.
Partisane, la complainte raconte cependant les principaux épisodes de la Commune comme la fraternisation d’une partie de l’armée avec les insurgés : Bezañ ‘oa soudarded vit lakaat urzh e kêr, ha toud o deus savet kros ha fuzuilh en aer, daou jeneral a oa o komandiñ anezho, masakret int o daou gant an dud revoltet (Les soldats venus mettre de l’ordre en ville ont mis crosse en l’air, les deux généraux qui les commandaient ont été massacrés par les révoltés).
C’est la politique anticléricale de la Commune qui fait l’objet des plus vives récriminations de l’auteur …bremañ eo difennet pronoñs anv Doue e-barzh e skolach ebet, Beleien, Arc’heskop tout ez int prizoniet, kemeret evit ostaj gant an dud infernal ( Maintenant, on ne peut plus prononcer le nom de Dieu dans les écoles, les prêtres et l’archevêque sont prisonniers et retenus en otage par ces gens diaboliques).
La complainte de 38 couplets se termine bien entendu par un éloge du vainqueur : Trec’het m’eump warne a drugarez Doue hag ivez Mac Mahon (Nous avons vaincu grâce à Dieu et au général Mac Mahon).
Ces complaintes historiques, malgré leur partialité restent un témoignage intéressant sur cet épisode sanglant de l’histoire de France.
Pennad orin / Texte original
Republikaned (Paotred ar Gomun) o klask boued tev
( Ar ganaouenn satirek-mañ a zo bet embannet e Lannuon ha dre ar brezhoneg e weler mat eo bet skrivet gant un den eus Treger. Lakaat a ra ar pouez war an dienez o renañ e Pariz e-pad siej ar Gomun gant soudarded dindan urzhioù Thiers). Kriz ha kalet eo an oberour gant ar Gomunourien, implij a ra doareoù goapaus mod ar vro). Notenn B.R.
Setu ur stal Republikaned
A-viskoazh bet ur stal fentus ;
Disav meurbet o deus goulennet
Un dra evit gwir, d'an holl tentus.
Un tamm boued tev
Boued tev bemdeiz
Da veure, da greisteiz, da noz ivez
Hennezh ec'h eo o mennad ;
Roit 'ne'añ dezhe, hebdale
O c'hof o vont da netra ' santont
Souden n'o devo ken dalc'h bragoù ;
N'eo ket heb rezon e c'houlennont
Ma vo stlapet gant o genoù
Liv ar galeoù en o c'herc'hen
Ha prest da gouezhañ eus o sav
E vranskellont war o div vrochenn ;
D'o sintrañ eo poent bras aozañ
Pelec'h 'ta eo chomet ar boued tev ?
A-dra-sur c'hoazh n'o deus ket bet
Marteze 'vo boued tanv o devo ;
Mes o c'houlenn na skuizhfont ket
En taol-mañ 'vefont ket reuzeudik
Dilezet 'vo al labourioù
Evit krial : "Viv la Republik !"
Ha sur ac'hane e teuio
Evel politiked anaoudek
Dre-holl e rafont jabadao
Ha mar teu da vat ar votadeg
Evite ar vuhez vo brav.
O zroad er skleug e larfont : "Ola !"
Da c'houarn ' vo ret o lezel ;
Ober a rafont eus o gwellañ
Evit tapout araok mervel.
Neuze hep mar ar baotred diskuizh
A grogo start a-zehou, a-gleiz,
Petra ' dalvo komz dezhe a Justiz ?
Ar re o devo a renko reiñ !!!
Selaouit 'ta tud a goñfiañs
(Se n'eo ket kaozioù mammig kozh) ;
Mar konted c'hoazh war ho koñsiañs
Na vefont ket pell o c'hortoz.
Da beb koulz eo kazus ar brezel :
Gant ar c'hreñvañ ec'h a ar c'hrog
Reudiñ ' rafed ho pevar ezel
Ma n'ho pefe ket un taol a-raok.
Graet gant unan o chom div lev en tu all da vro ar bara
Troidigezh / Traduction
Les Républicains de la Commune cherchent à faire bombance
( Ce chant satyrique a été publié sur feuille volante à Lannion en 1871. Le breton trégorrois utilisé sert à se moquer de façon bien cruelle de la disette voire la famine qui règne chez les insurgés pendant le siège de Paris. Cette traduction libre essaye de se rapprocher de l'esprit caustique de l'auteur, impossible à rendre par une traduction mot à mot. Note B. Rouz)
Voici la boutique des Républicains
Qui a toujours été une boutique rigolote ;
Ils ont demandé de se la couler douce
Ce qui pour tous étaient tentant.
Faire bombance
Tous les jours
Le matin, le midi, le soir
Voici leur intention
Donnez leur tout, tout de suite
Ils sentent que leurs ventres maigrissent
Bientôt leurs pantalons ne tiendront plus,
Ce n'est pas sans raison qu'ils demandent
Ce qu'ils crient par leurs bouches
Leurs peaux à le teint des galériens
Ils tiennent à peine debout
Et titubent sur leurs pattes malingres
Il est temps de les tutorer.
Où donc est restée la nourriture grasse ?
C'est certain, il n'en ont pas vu la couleur
Peut être qu'ils auront un peu de maigre
Mais ils ne se fatiguent pas à en quémander.
Pour cette fois, il ne seront pas à plaindre
Ils ont quitté leur travail
Pour crier : "Vive la République !"
Et c'est sur qu'en faisant comme ça, ils l'obtiendront.
Comme des politiques chevronnés,
Partout ils dansent le Jabadao
Et s'ils gagnent les élections
Pour eux la vie sera belle.
Les pieds dans leur délire ils disent "Hola !"
Il faudra les laisser gouverner
Ils feront de leur mieux
Pour profiter avant de mourir.
Alors sans doute ces gars bien reposés
Se mettront à la tâche, à droite, à gauche
A quoi servirait-il de leur parler de justice ?
Les riches devront donner leurs biens.
Ecoutez donc, gens de confiance
( Ceci n'est pas un racontard de grand-mère) ;
Si on comptait encore sur votre conscience
On n'attendrait pas très longtemps.
A chaque époque, la guerre est cruelle
C'est toujours le plus fort qui gagne
On fera raidir vos quatre membres,
Si vous n'avez pas eu un coup avant.
Composé par quelqu'un qui habite à deux lieues du pays du pain.
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Gwerzioù diwar-benn ar Gomun e Pariz / Complaintes sur la commune de Paris
An Hent (Jean-Marie), Ar Gommun ru, 4p. in ( Kan.bzh)
X, Guerz nevez war ben ar brezel, in (Kan.bzh)
X, Republikaned -paotred ar gumun- o klask boued teo, in (Kan.bzh)
X, Ar Republikaned ru mistri Paris (Réf. C-00068) p. 1-6, Bibliothèques des Champs Libres, Rennes côte 1090-E-021
X,Reuzioù Paris (Réf. C-00069) p. 6-8, Bibliothèques des Champs Libres, Rennes côte 1090-E-021
Pennadoù diwar-benn Komun Pariz/ article en breton sur la Commune de Paris
Klec'h (Yann-Vari), Paris epad ar brezel, in Feiz ha Breiz, 1875 N°196, p.547
Levrioù / Livres
Nicolas (Serj), Guerre de 1870 et Commune de Paris dans les chansons sur feuilles volantes en Basse-Bretagne, Institut culturel de Bretagne, 2016, 118p.
Cognets (Charles des), Les Bretons et la commune de Paris, Paris, L'harmattan, 2013.
Kerbaul (Eugène), Nathalie Le Mel, une communarde bretonne révolutionnaire et féministe, éd. Le temps des cerises, 2021.
Lec'hiennoù internet/ Sites internet
Comité Tregor-Argoat Les Amies et amis de la Commune
Les ami-e-s de la commune Bretagne-sud