Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

1844 : Lizeriou breuriez ar feiz (Lettres de la confrérie de la foi) : 2. Les missionaires ches les anthropophages d’Océanie

La première chose qu’on apprend du père Chevron, nouvellement arrivé, c’est que dans l’île de Wallis on se dit bonjour par la formule Karantez dit ( Amour à toi), ce qui est la moindre des choses chez un peuple d’anthrophage. Car dans l’archipel on se fait la guerre entre tribus et on se mange à qui mieux mieux. 20 vloaz zo, ar c’hoant da zebriñ kig tud az eas ken pell na helle mui ar brezel pilat korfoù a-walc’h evit o banvezioù euzhus. (Il y a 20 ans, le besoin de manger de la viande humaine alla si loin qu’on n’arrivait plus à tuer assez de gens lors des guerres pour fournir les horribles banquets).

La population était tombée de 4000 personnes à 800. Un roi plus avisé dit alors A-walc’h (Assez) et depuis il n’y a plus que quelques nostalgiques du bon vieux temps à réclamer « magadurez an doueoù » ( la nourriture des dieux).

Car pour le missionnaire la tâche est rude. Chez les Wallisiens le Dieu est dans un lieu très particulier : E c’hervel a reer Taka Veri Kere, da laret eo an hini a lak fall an douar. An Doue-se a chom e kov ar roue evel en e santual. D’an Doue-mañ e tamaller kement droug a c’hoarvez en inizi  (On l’appelle celui qui met la terre à mal. Ce Dieu habite dans le ventre du roi. C’est à ce Dieu qu’on attribue tous les malheurs de l’île).

Et pour le calmer on lui offre des présents, et c’est le roi qui réceptionne. C’est pour celà qu’il n’est pas très favorable à changer de religion. Bete vremañ, ar gredenn gristen n’he deus ket gounezet kalz a dra en hon enezenn-ni. Ar Roue, o vezañ ma ‘z eo santual an Doue bras, eñ a gav dezhañ ober ur gounid kaer o kenderc’hel ar gredenn gozh a zeu d’e binvidikaat ( Jusqu’à maintenant, la foi chrétienne n’a pas progressé dans notre île. Le roi, comme il est le sanctuaire du grand Dieu trouve qu’il a tout intérêt a garder les anciennes croyances qui l’enrichissent).

Pourtant tout n’est pas perdu car le roi a adopté la soutane : Ar roue ne wisk nemet d’al lidoù bras, ar sae goz roet dezhañ gant an tad Chanel hag en deus mui a fouge eget ur c’habiten bras en hor bro-ni gant e zilhad alaouret ( Le roi lors des grandes cérémonies porte la soutane du Père Chanel (martyrisé il y a trois ans) et il est plus fier que ne l’est chez nous un capitaine de navire dans ses habits dorés).

Pierre Chanel fut canonisé en 1954. Il est aujourd’hui le Saint patron de l’Océanie et on lui a construit une basilique à Futuna.

Pennad orin / Texte original

Merc'hed libr inizi Wallis ha Futuna

Bez ez eus ur c'hiz hag a zo da dud Futuna o-unan ha gant pehini o deus kalz a fouge. Ober a reont war o zal peder linenn kement ha kement, div zu ha div ruz. Ar re zu a vez graet gant ur c'hlaouenn dan marv, netra ken. Ar re ruz a vez graet gant douren ur c'hwrizienn a zo, a zastumont hag a gempennont etrezo holl gant kalz a levenez hag a c'hoarioù. Al liv ruz-se war zremm ar merc'hed a ra da anaout int dispartiet diouzh o friejoù hag odeus c'hoant asdimeziñ. Hag un implij bras meurbet a dleont d'ober eus al livach-se a garont kement, rak dibaot-bras eo en o zouez an dimezioù hir-badus. War an distera displijadur, ar priejoù en em guita, gant nebeutoc'h a drouz hag a boan ma kaser ur mevel kuit en hor bro-ni.

Lizeriou Breuriez ar Feiz, N°1, 1844, p. 49

Troidigezh / Traduction

Libres femmes de Wallis et Futuna

Il y a une coutume singulière dont les gens de Futuna sont très fiers. Ils font sur leurs fronts quatre lignes parallèles, deux noires et deux rouges. Les noires sont faites avec du charbon de bois simplement. Les rouges sont faites avec le jus d'une racine qu'ils ramassent et qu'ils préparent entre eux dans la joie et les divertissements. La couleur rouge sur le front des femmes indiquent qu'elles sont séparées de leurs époux et qu'elles cherchent à se remarier. Ils utilisent beaucoup cette couleur car rares sont les mariages qui durent longtemps. À la moindre contrariété, les époux se séparent, sans dispute et sans problème comme chez nous on congédie les valets de ferme.

 

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Lizeriou breuriez ar feiz, 1844, en ligne sur le site de la bibliothèque du diocèse de Quimper. pp 46-56

Wallis et Futuna, Wikipedia
Pierre Chanel, Wikipedia
Niuliki, Roi de Futuna, Wikipedia

écrits du père Pierre Chanel, Musée de l'homme, 1960, réédition 2017.
A. Monfat, Le missionnaire des Tonga et le R.P. Chevron, Livre 2 p.133-174