Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

Ernest Renan, “an Drouk Spered”, (l’esprit maléfique) qui enflamma les campagnes bretonnes

Quand Ernest Renan vient à Quimper en août 1885, pour présider un diner celtique, il sent dejà le soufre auprès des catholiques. Ceux ci annoncent la couleur : Trouz ha tousmac’h a ra an Ao. Renan war zigarez dastum e Kemper mignoned ar brezhoneg. Leinoù evel-se a zo leinoù danjerus : eno ne vezo na pater na pedenn, nemet gwall-pedennoù ha dislonkerez a-enep ar relijion.( Monsieur Renan fait du bruit et du tapage pour rameuter à Quimper les amis du breton. Ces diners sont dangereux : on n’y dira ni pater ni prières mais seulement des incantations erronées et des vomissements antireligieux).
Lors du dîner, François-Marie Luzel, bibliothécaire à Quimper, grand collecteur de contes, déclame un poème à son célèbre compatriote trégorrois : Evurus an hini a glask ar wirionez eveldout el levrioù hag a gav ar furnez ar peoc’h evit e galon hag ivez an druez evit kement zo en poan ha d’an holl karantez ( Heureux celui-qui, cherchant la vérité comme toi dans les livres, y trouve la sagesse, avec la paix du coeur et la compassion pour tous ceux qui souffrent et la bienveillance universelle).
La vision nouvelle de la « Vie de Jésus » par Renan, oppose catholiques et républicains. Le débat s’enflamme à nouveau en 1903. L’érection d’une statue à Renan sur la place de la cathédrale de Tréguier met le feu aux poudres. Émile Combes le très anticlérical président du Conseil se déplace pour l’occasion. Nac’homp krenn reiñ an disterañ sikour evit ar gouelioù mezhus-se en enor da Renan ar renead ha da Gomb, argaser leanezed, ar veleien hag ar brezhoneg (Refusons de participer à ces fêtes honteuses en honneur de Renan le renégat, et de Combes, persécuteur de religieuses, des prêtres et du breton).

L’inauguration fut houleuse et Combes répliqua qu’il était fier de contribuer à l’ « affranchissement du servage intellectuel de la Bretagne ».

Le matche retour fut joué en 1904 par un calvaire face à la statue du ha hudur evel un amprevan dislonket (noire et immonde comme un insecte vomis). Plus radical, mais à l’extrême gauche, Jean-Marie Déguignet trouvait que Renan faisait de la kaoc’hkiologie du breton kaoc’hki (merde de chien).
On le voit, les débats d’antan valaient bien ceux de l’Assemblée nationale d’aujourd’hui.
A Tréguier, les passions politiques se sont bien apaisées depuis et la ville tire parti de son année Renan (Bloavezh Renan) tout comme de sa fête de Saint Yves (Gouel Sant Erwan).

Pennad orin / Texte original

Da Ernest Renan

Deiz mat dit va mignon ha va c'henvro brudet
Pa 'z out deuet da Gêr vat a Gemper d'hon gwelet !
Salut, Digemer vat a-berzh ar Vretoned
A Gerne, a Leon, a Dreger ha Gwened

Diredet int en Kêr Gaourintin ha Grallon
Evit lavaret dit : - Salut, a greiz kalon !
Salut d'ar Breton mat pehini ' zo enor
Treger ha Breizh-Izel, - hon bro karet Arvor. !
Tregeriad eveldout -- (D'ar vro-se va bennozh
Bro ar gwerzioù, sonioù ha kontoù an tad kozh !)
Em eus kavet amañ tud leal, kalonek,
Evel m'int holl, ar re a gomz ar brezhoneg.
Tregeriz, Kerneviz, --breudeur, en gwirionez,
Bretoned tomm o gwad : ur galon hag ur yezh
Eveldon, e kari, a hirio, ar vro-mañ
Hag he zud kalonek, o va mignon Renan !
Evurus an hini a glask ar wirionez
Eveldout el levrioù hag a gav ar furnez
Ar peoc'h evit e galon hag ivez an druez
'Vit kement ' zo en poan ha d'an holl, karantez !
Re-all a zo amañ, tud goui'ek ha barzhed
Eis Breizh-Izel hag a lec'h all, a-bep-tu diredet,
Gant komzoù helavar ha gwerzioù kaer galleg
Da saludo bremañ : mes kent ar brezhoneg !
Pa 'z out deuet en Kerne, da genvro tregeriad,
En yezh kozh hon tadoù, ro dit degemer mat :
Frañsijenn omp hirio, ar Frañs 'garomp meurbet...
Mes Breizh eo hon mamm-gozh, -- Bretoned omp bepred !

En pep lec'h war ar bed ma en em gav daou vreizhad,
Em anavezont prest : komz a ra mouezh ar gwad
Em vriatañ 'reont, hag e kanont son ioù
Ha gwerzioù kozh o bro hag he melodioù :
O Breizh-Izel, O kaera bro !
Koad en he c'hreiz, ha mor en-dro
Me a gar va bro Breizh-Izel
Hag he garo betek mervel.
Fañch-Mari An Uhel
Kemper 18 a viz Eost 1885.

Troidigezh / Traduction

Á Ernest Renan

Bonjour à toi, mon ami et mon compatriote illustre,
Quand tu viens nous voir, dans notre bonne ville de Quimper !
Salut et bienvenue de la part des Bretons
De Cornouaille et de Léon, de Tréguier et de Vannes !
Ils sont accourus dans la ville de St Corentin et de Gradlon
Pour te dire : - Salut, du fond du coeur,
Salut au bon breton qui est l'honneur
De Trégier et de la Bretagne, notre pays bien aîmé d'Arvor !
Trécorois comme toi, - (ma bénédiction sur ce pays,
Le pays des gwerzioù, des sonioù et des contes du grand-père),
J'ai trouvé ici des hommes loyaux, des hommes de coeur,
Comme le sont tous ceux qui parlent le breton.

Trécorois et Cornouaillais, des frères en vérité,
Des frères au sag chaud : même coeur, même langue.
Comme moi, tu aimeras dès aujourd'hui ce pays
Et ses hommes de coeur O mon ami Renan
Heureux celui-qui, cherchant la vérité
Comme toi dans les livres, y trouve la sagesse,
Avec la paix du coeur et la compassion
pour tous ceux qui souffrent et la bienveillance universelle.
D'autres sont ici, des savants et des poètes,
De Bretagne et d'ailleurs, accourus de tous côtés,
Qui avec des paroles éloquentes et de beaux vers français
Te salueront tout à l'heure : - mais avant d'abord le breton !
Quand tu viens en Cornouaille, ton compatriote de Tréguier,
Dans la vieille langue de nos pères, te souhaite la bienvenue :
Nous sommes Français aujourd'hui, et nous aimons passionnément la France
Mais la Bretagne est notre grand mère et nous sommes toujours Bretons !
Partout au monde où deux Bretons se rencontrent,
Ils se reconnaissent vite : la voix du sang parle,
Ils se jettent dans les bras l'un de l'autre, ils entonnent des gwerzioù
Et les sonioù du pays et chantent ses louanges :
O Breiz Izel, O le beau pays !
Bois au milieu et mer autour ;
J'aime mon pays de Breiz-Izel
Et j'aimerai jusqu'à la mort ! ...
F.M. Luzel, Quimper le 18 août 1885

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Dîner celtique du 18 Août 1885 à Quimper
Ul lein danjerus, in Le Courrier du Finistère, lenn en linenn
Fañch an Uhel, Da Ernest Renan, in Le Finistère, 19 Août 1985 lire en ligne sur le site des Archives départementales du Finistère

Inauguration de la statue d'Ernest Renan à Tréguier, 13 septembre 1903

Les fêtes de Renan à Tréguier, in Le Finistère, 16 septembre 1903, lire en ligne
Les fêtes de Tréguier in L'éclaireur du Finistère, 19 septembre 1903, lire en ligne
Eil maro Renan, gant Erwan Berthou, La Résistance 12 septembre 1903, lenn en linenn
Trouz ar sunvez, gant Erwan Berthou, in La Résistance, 19 septembre 1903, lenn en linenn

Ys (Renéd'), Ernest Renan en Bretagne, Paris 1904, lire en ligne
Quellien (Narcisse), Ernest Renan 1823-1892, Paris, Larousse, 1892