Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

2023 : ar fri (le nez), premier texte de l’ukrainien Nicolas Gogol traduit en breton directement du russe par Anna Mouradeva

C’est l’histoire d’un petit fonctionnaire qui a perdu son nez : Dihunet e oa ar c’hargiad Kovalev en ur ober « brr… ». Souezhet e voe pa welas un dra bennak plaen hep mann all ebet e-lec’h e fri. Plaen eo evel ur grampouezhenn nevez-fardet. ( L’assesseur Kovalev se réveilla en faisant « brr… ». Il fut étonné quand il vit une surface plate à la place de son nez. Elle était lisse comme une crêpe toute fraîche).

Traduit directement du russe par Anna Mouradova, ce petit écrit fit scandale à l’époque, car derrière la quête d’un nez disparu à St Petersbourg c’est toute la société des fonctionnaires impériaux qui est épinglée dans un récit absurde et brillant mâtiné des croyances fantastiques des paysans ukrainiens de l’enfance de Gogol. Emañ an diaoul oc’h ober goap ouzhin ! Oc’h hunvreal pe o treiñ da sod on ! Evit bezañ sur ne oa ket mezv e piñsas e groc’hen ken kreñv ma laoskas e griadenn (Le diable se moque de moi, je rêve ou je deviens fou ? Pour être sûr qu’il n’était pas saoûl, il se pinça si fort qu’il lacha un cri).
Persuadé qu’il s’agit d’une vengeance personnelle il crie à la sorcellerie : Pa lavaras dezhañ Gwreg ofiser ar penngarter e felle dezhi dimeziñ he merc’h da Govalev, e troas meno. Setu perak he doa divizet en em veñjiñ ha strobinellañ anezhañ (Quand la femme d’un officier du quartier general voulut marier sa fille à Kovalev, il changea d’idée. C’est pourquoi elle avait décidé de se venger en l’ensorcelant).

Et puis Kovalev se retrouve nez à nez dans la rue avec son nez : Dougen a rae ur gwiskamant gant neud aour hag ur mell kolier reut, ur bragoù lêr hag ur c’hleze war e gostez. E dog kinklet gant pluñv a roe da c’houzout e oa eus renk ar guzulerien Stad. Kovalev a oa ankeniet ha souezhet war un dro pa gomprenas e oa an Aotrou-se e fri. (Il portait un vêtement brodé d’or et un superbe colier, un pantalon de cuir et une épée de côté. Son chapeau à plume montrait qu’il faisait partie des conseillers d’Etat. Kovalev était inquiet et étonné quand il compris que ce monsieur était son nez !)
Le nez, las d’être porté par un petit fonctionnaire l’a quitté pour rejoindre le visage d’un haut fonctionnaire. C’est l’éternelle histoire des ambitions ridicules dans un monde corseté.
Fuyant cette Russie, Gogol erra a travers l’Europe avant un retour au pays tragique.
Les traductions d’écrivains russophones sont nombreuses en breton. Mais il manquait l’un des plus grands, Gogol grâce aux éditions An Alarc’h.

Pennad orin / Texte original

Troidigezh / Traduction

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Nikolai Gogol, Ar Fri, tr. Anna Mouradova, emb. An Alarc'h, 2023

Jean-Michel Le Bot, “Les traductions de la littérature russe en langue bretonne”Revue des études slaves, XCII-2 | 2021, 337-350., lire en ligne