1885 Son ar Bigoudenned : le premier écrit en breton sur les bigoudènes
Mentionné pour la première fois en 1833, le nom Bigouden qui au départ caractérise un détail vestimentaire (la pointe de la coiffe des femmes du Cap Caval) désigne rapidement les femmes qui portent cette coiffe. Il faut attendre 1885 pour trouver un premier texte breton qui concerne les Bigoudènes.
Son ar Bigoudenned ( Le chant des Bigoudènes) est écrit par un chansonnier de Pluguffan, commune limithrophe du Pays Bigouden. Michel Queinec est concierge du grand séminaire de Quimper, il est connu pour de nombreuses gwerz (complaintes) en breton sur les évènements de l’époque : Impalaer ar Rusi lazhet d’an 13 a viz meurzh 1881, Brezel an Tonkin hag ar Chin, Gambetta , e varv ( L’empereur de Russie tué le 13/03/1881, La guerre du Tonkin et de Chine, La mort de Gambetta).
Son ar Bigoudenned est dans un registre plus léger sur les changements de mœurs de la fin du XIXème siècle :
E touez ar Bigoudenned ivez
A weler kalz gizioù nevez…
O zud kozh ma zeufent en-dro
A vez sabatuet hizio
O bugale o deus troket kiz
Michañs, da blijout d’ar bourc’hiz,
Ha troket feson da vevañ
Da gaout digarez da evañ.
( Parmi les Bigoudènes, aussi, on voit beaucoup de nouvelles manières… Leur ancêtres s’ils revenaient seraient très étonnés aujourd’hui : leurs enfants ont changé de comportements, sans doute pour plaire aux citadins, et changé de mode de vie pour avoir des occasions à boire).
L’auteur n’est pas tendre envers les Bigoudennes qu’il décrit de façon caustique :
War o fenn e-giz ur glipennig
‘Zo ur c’hozh tamm bigoudennig
O dilhad all gant ar bordoù
A daol skeud war o divjodoù
Gant o zeir pe beder lostenn
Int tev evel ur varikenn
Mes evit lod eo tromp-lagad
Poan ‘deus kaout ur gotilhon vat.
( Sur leur tête comme une petite crête, il y a une sorte de petite pointe, Le bord du reste fait de l’ombre à leurs joues. Avec leur trois ou quatre jupes elles sont grosses comme des barriques, Mais pour certaines c’est un tromple-œil, elles ont du mal à s’acheter de bons cotillons).
Les foires et marchés sont le prétexte à rencontrer Ar gwazed Montobanet, Siret ganto o bouteiuer, Sigaretenn pe bibenn er beg O tistaga bommoù galleg ( Les gars en habit de Montauban, (car ils laissent volontairement visible le nom de la fabrique de Montauban sur leurs habits), leurs souliers cirés, Cigarette ou pipe au coin du bec, s’ingéniant à parler français).
Le but est de faire boire les filles, qui répliquent :
Dran’ Doue, merc’hed, n’hellomp ket
Evañ gwin ardant ‘vel gwazed
Na gant Aon ma savfe d’hor penn
E ray deomp koll hor bigoudenn
( Au nom de Dieu, nous les femmes, nous ne pouvons pas boire de l’eau de vie comme les hommes, de peur qu’il nous monte à la tête et qu’il nous fasse perdre notre coiffe)
Le retour du pardon semble difficile à cette jeunesse à une époque ou l’alcoolisme sévit durement : Gwazed ha merc’hed dorn ha dorn a ‘z a da duriañ an hentoù …savet gant poan er-maez ar pri war ur bern mein war benn o fri ! Goulenn pardon ouzh Doue, Nerzh na evfac’h birviken re. ( Hommes et femmes, main dans la main titubent dans les chemins … tombent dans la boue s’écorchent le nez sur les pierres ! Demandez pardon à Dieu, que vous ne buviez plus jamais trop !)
Les Bigoudens et bigoudènes ne sortent pas indemnes de cette chanson composée par un voisin Glazig ( Petit bleu, surnoms des habitants du pays de Quimper). C’est une des rares chansons qui citent le nom ”Bigouden” nom à la signification toujours obscure comme l’exprimera Youenn Drezen un peu plus tard :
N’ouezer, e doare ebet, netra-krenn diwar-benn an amzerioù kentañ tud va bro, na diouzh pelec’h e teuont na dre be hent int deut ! (On ne sait d’aucune façon, rien du tout des premiers temps des habitants de mon pays ni d’où ils viennent ni par où ils sont passé).
On ne compte plus les articles sur l’Origine des Bigoudens, certains fantaisistes, d’autres font références comme ceux indiqués plus bas.

Pennad orin / Texte original
Troidigezh / Traduction
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Brezhoneg
Mikeal Queinec, Son ar bigoudenned, 1885, lenn en linenn war lec'hienn Kan.bzh
Gaston Esnault, Bigoudèn, in BSAF, 1913 p. 126, Lenn en linenn
F. Vallée, Bigouden in Roll-Gerioù, Kroaz ar Vretoned, N°115, 16 a viz Mae 1915. lenn en linenn
Yvon Crocq, Matilin an dall, in Buhez Breiz, N°9, 1919, P.234 lenn en linenn
Youenn Drezen, Gouenn ar Vigoudenned, in Le Courrier du Finistère, 21 Genver 1928, lenn en linenn
Albert Deshayes, Dictionnaire éthymologique du breton, 2003, p.109.
Martial Menard, Bigoudenn in Devri Lenn en linenn
Galleg /Français
Le Carguet, Études ethnographiques sur les Bigoudens, in B.S.A.F. 1900, p.328-366, lire en ligne.
Charles Laurent, L'origine du mot Bigoudenn, in Les Cahiers de l'Iroise, 1973, N°1, pp48-57, N°2 132-147, lire en ligne
Jakez Cornou, Origine et histoire des Bigoudens, Le Signor, 1978, pp2-6, lire en ligne
Serge Duigou, Le fabuleux destin du Bigouden, in Cap Caval N°53, 2024
