Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

1554-2025 : la très originale anthologie littéraire d’Ergué-Gabéric, commune rurale près de Quimper

Il y a de quoi être surpris. Ergué-Gabéric, commune de la périphérie de Quimper vient de publier une anthologie littéraire quadrilingue, une sorte de “Lagarde et Michard” local. L’association Arkae à l’origine de ce projet travaille depuis cinquante ans à la sauvegarde du patrimoine local et conserve précieusement tout ce qui a été écrit et collecté sur la commune qui faisait 2600 habitants en 1962 et 8500 aujourd’hui conséquence de l’extension de l’agglomération quimpéroise vers la voie expresse.
On trouve trois sortes de littérature dans cet ouvrage de 164 pages qui fédèrent 40 auteurs et 60 extraits d’oeuvres publiés sur différents support depuis 1554.
Il y a les personnalités littéraires nés à Ergué-Gabéric : on citera Guy Autret de Missirien, l’auteur breton le plus important au XVIIème siècle dit de lui son biographe Hervé Torchet, correspondant de la Gazette de Renaudot, le plus ancien journal de France. Sa narration du passage de la Reine d’Angleterre à Quimper en 1644 est véritablement une pièce d’Anthologie. Jean-François de la Marche, dernier évêque du Léon, mort en exil à Londres en 1806, écrivait aux rois au pape, défendait l’édit d’union de 1532 entre la Bretagne et la France. Un autre écclésiastique, Alain Dumoulin, recteur d’Ergué-Gabéric  a publié à Prague, a reçu en exil deux prix littéraires, écrivait en latin, en breton en français, une découverte. Jean-Marie Déguignet, le paysan Bas-Breton est lui un anticlérical féroce, dans les 800 pages de l’histoire de sa vie, il nous a offert de vraies pages littéraires. Gwenaël Bolloré, industriel, écrivain, éditeur nous évoque son enfance au manoir d’Odet et sa passion pour le monde maritime. Quant au dernier grand écrivain du cru, Hervé Jaouen, révélé par des polars sulfureux il continue à nous enchanté par sa verve sur des romans enracinés dans la réalité locale.

Le deuxième aspect concerne la langue bretonne. 13 auteurs de l’anthologie s’exprime en breton sur des thèmes trés divers. Le plus ancien texte de 1712 concerne la peste d’Elliant (Bosenn Eliant), Alain Dumoulin nous livre une chanson contre les Montgolfières en 1800 : Ur vag nevez zo inventet, dre an aer e navigo, beteg al loar hag ar stered A dra sur e hon savo…Doue ra viro biken E vin ken sot da riskañ, Torriñ va melchinenn. (Un nouveau bateau a été invanté pour naviguer dans les airs ; jusque la lune et les étoiles il nous amènera…. Que Dieu nous empêche à jamais de la folie de risquer nous casser la nuque). Autre page interessante le conte sur les chauffeurs (An Dommerien) qui fustige les Révolutionnaires qui terrorisaient les paysans à la recherche des prêtres réfractaires.
La littérature d’inspiration religieuse nous offre également de belles pages : Goulven Morvan, directeur de Feiz ha Breiz (Foi et Bretagne) nous décrit une procession à la chapelle de Kerdevot pour faire cesser la guerre de 1870, Barz Kerdevot nous livre de belles poésies champêtres, Jean-Marie Nedeleg crée une Gwerze sur la spoliation des biens du clergé en 1905 (Gwerz an invantor) (La complainte de l’inventaire). Le collectage de chants traditionnels nous laisse également de belles pièces : Luzel a recueilli une chanson paillarde, Marjan Mao, dans le même registre (Ar gemenerez) nous rappelle que nos ancêtre n’étaient pas si puritain qu’on l’a affirmé, quant à Jos ar Saoz, il a raconté sa vie en chanson, du temps ou il faisait le tout du monde dans la Royale en 1910 ( Son ar martolod Yaouank). Plus près de nous, Jean-Louis Rozeg nous décrit avec force détail le triomphe de l’équipe de Foot-ball locale (Mell-droad) des Paotred Dispount (Gars sans peur) contre les Cadets de Rennes et Lanig Rouz avec beaucoup d’humour nous raconte les facéties des gamins lors de la messe de minuit (Ar pellgent).

Dernier aspect les visiteurs attirés par les vallées profondes de l’Odet (Le stangala) et du Jet et par le pardon de Kerdevot, l’un des plus courus de Cornouaille. Parmi ces visiteurs illustres : Anatole Le Bras, Max Jacob, Guillaume Kergourlay, Marie-Josée Christien, Emile Souvestre, l’anglais John Kemp qui nous raconte une partie de pêche sur le Jet en 1860 ! Le premier à avoir été séduit par les “Brettes Campaignes” gabéricoises est François Mocam qui écrit un sonnet en 1554 sur les ruisseaux d’Ergue entre Jet et Odet. Il nous informe que le terme “Aon” est encore connu, c’est la forme locale de Avon ou Aven qui signifie rivière tout simplement.
“Ma muse ne prend plaisir
Qu’à voir couler à loisir
Le petit Aon qui abreuve
Toute la sêcheur qu’il trouve
Dedans mes brettes campagnes,
Jet et Odet ses compagnes …”

 

Pennad orin / Texte original

Troidigezh / Traduction

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Paroles d'ici, Ergué-Gabéric dans la littérature, éd Arkae, Ergué-Gabéric, 2025, 164p. Commande en ligne