François Villon breton ! la quête fructueuse de Roger Faligot sur les traces d’un boued-kroug (gibier de potence) et poète génial
François Villon e brezhoneg, ça a du sens. C’est en 1949 que son poème le plus célèbre Gwerz ar re grouget (La balade des pendus) fut traduit pour la première fois. Dans ce poème les pendus s’adressent aux vivants :
Ar glaveier o deus hor gwalc’het ha glec’hiet,
Ha bannoù an heol disec’het ha duet.
Piged ha brini ‘doullas hon daoulagad,
Hon divabrant ha baro ‘ziskolpas.
Gwezh ebet na nep tro n’eus evidomp mordo.
Du-mañ, du-se ha diouzh he froudenn rik
Dizehan an avel hor c’has hag hon degas,
Gant an evned gwashoc’h ‘get beskenn pigoset.
Tremenit hep bezañ eus hor c’henvreuriezh.
Pedit Doue avat ‘vit ma pardono demp
La pluye nous a debues et laves,
Et le soleil desseches et noirciz ;
Pies, corbeaulx, nous ont les yeulx cavez,
Et arracher la barbe et les sourciz.
Jamais, nul tēps, nous ne sõmes rassis ;
Puis ca, puis là, cõme le vent varie,
A son plaisir sãs cesser nous charie,
Plus becqtez d’oiseaulx que dez à couldre.
Ne soyez donc de nostre confrairie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !
Certains des poèmes en français sont facilement compréhensibles aujourd’hui. Mais Villon dans son parcours chaotique qui mêle fréquentations du bas-peuple comme des lettrés, le font enrichir son vocabulaire. Il use de l’argot des mercerots de Rennes dans ses fréquentations douteuses ce qui rend certains poèmes particulièrement obscurs. C’est dans ce maquis littéraire que Roger Faligot fait son miel et découvre la vraie nationalité de ce poète d’exception que d’aucuns ont catalogué comme parisien. La réalité est plus complexe.
Villon est un nom de plume, “ne sait comment on me nomme” écrit il car son vrai nom, son lieu de naissance, l’identité de ses parents son sujet à question, car comme il est souvent recherché par les gens d’armes, il brouille les cartes en changeant de nom.
Roger Faligot s’est emparé de ce flou biographique pour revisiter l’oeuvre de Villon ou il raconte sa vie de poète, cambrioleur, vagabond et patiemment retrace le cheminement du personnage haut en couleur. Élevé à Paris par un chanoine, il doit quitter la ville après une rixe mortelle et part en Bretagne et ce n’est pas par hasard. On le suit à Rennes, à Saint-Julien de Vouvantes puis en Val de Loire ou il multiplie les coups pendables.
Il nait en 1431 l’année ou Henri VI d’Angleterre se fait sacrer à Notre Dame de Paris. Les Anglais tiennent la ville mais le Connétable de Richemont Arthur III, futur duc de Bretagne, au service du roi de France, tient les villes alentours Pontoise, Corbeil dans le Vexin ou est né notre …ses lieutenants s’appellent Tugdual le Bourgeois de Kermoysan, Mahé Morillon, Foucaud de Lescoulouarn, Rostrenen… C’est eux qui libèrent Paris en 1436. Nous sommes au Moyen-âge, les armées sont constituées de mercenaires. Nul doute qu’ils aient laissé des traces dans les registres paroissiaux franciliens…
Plus qu’une recherche généalogique Roger Faligot revisite la verve de François Villon. Par dizaines il y retrouve des mots gallos, poitevins, bretons qui trahissent ses fréquentations qu’il consigne dans un précieux glossaire. : Aourez (doré), branc (rameau), fars (amusant), Cointe (koant=mignonne), loir (laer=voleur), poue (paw=patte)
Lire François Villon (1431-1463) aujourd’hui c’est plonger aux racines de la littérature française. La vraie, celle qui utilise toutes les ressources des langues d’Oil : angevin, normand, poitevin, gallo et francien avant que l’académie Française ne stérilise cette vitalité en imposant le langage du roi. “Il n’est bon bec que de Paris” écrivait Villon, comparant les jacassières du bord de Seine aux “brettes” taiseuses de Bretagne car elles possédaient mal la langue. Car Paris était déjà truffé de Bretons dans l’enfance de Villon. Roger Faligot met en valeur ce terreau linguistique en nous donnant systématiquement le texte original de Villon et le texte en français contemporain.
J’imagine notre François Villon aujourd’hui. Le poète iconoclaste, aurait rejoint sans coup férir la confrérie des bannis de la République que sont les Fañch d’aujourd’hui ! Bevet Fañch Villon !

Pennad orin / Texte original
Gwerz ar re grouget
Troet diwar ar galleg gant Françoise Lermen
C'hwi, hor breudeur, a vev en hor goude,
Na vezet ket kaledet ho kalon,
M'ho peus ouzhimp, reuzeudiged, true',
Doue kentoc'h 'roio dac'h e bardon.
Vel ma welit, omp pemp, c'hwec'h den krouget,
Met kig hor c'horf bet ganimp re vaget,
A zo pell 'zo plaouiet ha peurvreinet,
Ha ni, eskern, 'zo o vont da boultrenn.
Den ne ray goap eus hor poanioù kalet,
Met ouzh Doue goulennit hon absolvenn !
Ma roomp dac'h an anv a vreudeur,
N'hen nac'hit ket, ha ni dre varn lazhet,
Padal c'hwi oar, ne 'z eus ket, dre walleur,
Gant an holl dud ur spered kempouezet.
Hon difennit, rak tremenet omp-ni,
Ouzh tamalloù mab ar Werc'hez Vari.
Ra ne day ket e c'hrasoù da heskiñ,
'Vit d'an ifern n'hor bo ket da ziskenn.
Ni 'zo maro, n'eus den d'hon hegasiñ,
Met ouzh Doue goulennit hon absolvenn.
Trempet, gwalc'het omp bet gant ar glavioù,
Ha gant an heol disec'het ha suilhet.
Piged, brini o deus hon lagadoù,
Hon abrantoù ha barvioù diframmet.
Nepred n'hor bez nag ehan na paouez,
Brañsigellet a-youl an avel ouez,
Gant an evned ingal hag alïes,
Pigoset gwazh 'get beskennoù zoken.
Chomit eta e-maez hor breurïezh,
Met ouzh Doue goulennit hon absolvenn
Aotrou Jezuz, mestr war an holl vistri,
Mir ouzh Satan da gât warnomp beli :
Ra n'hor bo tra d'ober gantañ biken.
Tudoù, amañ n'eus ket a c'hoapiri,
Met ouzh Doue goulennit hon absolvenn
Copyright©2017 Françoise Lermen
Pep gwir miret strizh (all rights reserved).
Troidigezh / Traduction
La ballade des pendus
Frères humains qui après nous vivez
N’ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, se pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tost de vous merciz.
Vous nous voyez cy attachez cinq, six
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça devoree et pourrie,
Et nous les os, devenons cendre et pouldre.
De nostre mal personne ne s’en rie :
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!
Se frères vous clamons, pas n’en devez
Avoir desdain, quoy que fusmes occiz
Par justice. Toutesfois, vous savez
Que tous hommes n’ont pas bon sens rassiz;
Excusez nous, puis que sommes transis,
Envers le filz de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l’infernale fouldre.
Nous sommes mors, ame ne nous harie;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!
La pluye nous a débuez et lavez,
Et le soleil desséchez et noirciz:
Pies, corbeaulx nous ont les yeulx cavez
Et arraché la barbe et les sourciz.
Jamais nul temps nous ne sommes assis;
Puis ça, puis la, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charie,
Plus becquetez d’oiseaulx que dez à couldre.
Ne soyez donc de nostre confrarie;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!
Prince Jhesus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu’Enfer n’ait de nous seigneurie :
A luy n’avons que faire ne que souldre.
Hommes, icy n’a point de mocquerie;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre.
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Français
Roger Faligot, Le mystère François Villon, poète cambrioleur vagabond et breton, éd. Goater, Rennes, 2025
François Villon, La ballade des pendus, manuscrit lire en ligne
Brezhoneg
Yann Blerger, Gwerz ar re grouget, in Al Liamm, N°16, Gwengolo-Here 1949 lenn en linenn, p.31 war lec'hienn an IDBE
Françoise Lermen, Gwerz ar re grouget, lec'hienn Dikhadak
English
John Payne, The poems of Master François Villon of Paris, 1900, Read on line