Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

Chanson en l’honneur du corsaire malouin Duguay-Trouin

On connait au moins cinq chants traditionnels bretons qui célèbrent la mémoire du Malouin Duguay-Trouin, terreur des Anglais, comme raconte ce chant recueilli à Taulé près de Morlaix :
Duguay a rae d’ar Saozon spontañ / Hag o lakae holl er brezel da grenañ /Komz a Zuguay a rae dezho horoll / Dre ma voe ajil war ar mor / A daolioù bomp hag a daolioù kanol / O c’hemere ha gouneze ar viktor / Da souten gant joa kurunenn ar Roue / Gant ur feiz krenn hag ur gwir karantez. ( Duguay épouvantait les Anglais et les faisait trembler. Rien que prononcer son nom leur faisait horreur. Il était habile en mer, à coups de fusil et de canon, il les prenait et gagnait la victoire pour soutenir avec joie la couronne du roi, avec une foi entière et un vrai amour).

Un autre chant de la collection de Pengwern recueilli 100 ans après sa mort évoque la grande tristesse qui suivit sa mort : Pebezh kaoñ ha tristidigezh / Da varv Duguay ‘barzh ar palez / Ha partout dre ger oant glac’haret / Klevet preg anezhañ mar oe desedet. / Hag i krial o klevet e oa marv / Lakat a rae boan da souten ar vro. ( Quel deuil, quelle tristesse que la mort de Duguay dans son palais. Partout en ville on était attristé d’entendre qu’il était décédé. Et tous de se lamenter de sa mort car il mettait du sien à soutenir son pays). 

Et on lui prête les paroles suivantes : Adieu ‘ta perzhier-mor ha listri / Me ‘m eus graet anezho meur a wech ar miz / E Brest, en Oriant hag e Porzh-Loeiz / E Rochefort e Tours hag e Pariz / Pa deuan d’ho kuitaat e teuon da skuihañ daeloù / Kenavo e traoñienn Jozefat ( Adieu donc ports de mer et grands voiliers : Brest, Lorient, Port-Louis, Rochefort tout comme Tours et Paris. Je vous quitte et je verse des larmes. Á bientôt dans la vallée de Josaphat.)

Et Duguay de conclure : Adieu eta komandanted, holl dud a vor, jeneraled / A-barzh mont da guitaat ar bed-mañ, An dra a lavaran : Soutenit gant joa kurunenn ar Roue Gant ur gwir feiz, gwir humilite / Pedit evidon Jezus  ‘Vit resev va ene er firmament. ( Adieu commandants, gens de mer, généraux, avant de quitter ce monde, j’affirme que j’ai soutenu la couronne avec foi et humilité. Priez pour moi Jésus pour recevoir mon âme au firmament).

Curieusement la tradition de langue française ou gallèse n’a gardé aucune trace chantée du grand homme. C’est donc une fois de plus par le breton qu’on retrouve ces trésors.

Pennad orin / Texte original

CHANSON DUCGAITROUIN

(Lakaet e brezhoneg a-vremañ
gant Christian Souchon).

1. Me ho supli offisourien,
Holl dud a vor, navigourien,
Soudarded ha martoloded,
Jeneral Duge zo desedet. [*]

2. Gant justis kaout reas kommandamant an arme,
(=c.) Souten vras da gurunenn ar roue.
An holl er vro kredit en assurañs
Lakaat a rae poan da zouten ar Frañs!

3-1. Duge, daeloù 'n e zaoulagad,
A lare adieu a galon vat
Da roue a da rouanez gant glac'har bras,
Gant ar fin dezhe: da Duk de Louis.

3-2. Da Duk de Louis, kerkoulz ha da briñsed.
Dre ar marv en-deus o surprenet:
Ha dre gleved en-deus kollet e vuhez
A lak er Frañs tristidigezh.

4-1. O pebezh kañv ha tristidigezh
Da varv Duge barzh er palez!
Ha partout dre ker oa glac'haret
Kleved prezheg anezhañ ma oa desedet.

4-2. Hag int da grial o kleved e oa eñ marv
Ha lakaat rae e boan da zouten ar vro.

5-1. Marv, te zo kriz dreist ar bord
Da vezañ surprenet pasport.
Na respetas na bihan, na bras,
N'eus pasportaj, toud faot dit o c'has!

5-2. Na priñs, na duk, na manac'h, na belek:
Rak se pretand toud d'ar memez andret!
A daolioù kriz, pa deues da gouezhañ,
A graez nerzh deus o lazhañ!

6-1. (=F) Deus ar Vro-Saoz ar rouanez
He-deus bet c'hoant vras alies,
Da weled Duge, ' klevoud e oa vailhant:
Biskoazh he-deus-bet ar seurt kontantamañt.

6-2.(=a-2.) O klev'd prezh'g anezhañ mar rae dezhe oror
Dre ma oa e armoù ajil diwar ar mor.

7-1. Pa e rejimañt aon a voe bet.
An holl soudarded en em konfortet
7.2. Añtreal a reas gant e holl ekipaj
En e zorn e sabrenn, ennañ leun a kouraj.


7-3. (=b) A daolioù bomb pe a dennoù kanol,
O gemere ha gouneze ar viktor.

8-1. - Adieu ta, perzhier ar mor hag al listri!
M'am-eus graet anezhe meur d'a-walc'h hag ar mis!
E Brest, en Oriant hag e Porzh-Louis,
E Rochefort, e Tours kerkoulz hag e Pariz.

8-2. (=J) Paz 'ean d'ho kuitaat, da skuilhañ daeroù,
Va pasportaj adieu, lavaromp kenavo,
Lavaromp kenavo e traon Jozafat!

9-1. Adieu eta, komandanted,
Holl dud a vor, jeneraled,
E-barzh moned da guitaad ar bed-mañ,
Un dra c'hoazh a lavaran:

9-2. Soutenit gan joa kurunenn ar roue,
Soutenit gant gwir feiz ha gwir umilitez!
Ha pedit evidon Jezuz peurravissant
Vit resev va ene ebarzh ar firmamant! -

Bolloré François

Troidigezh / Traduction

LA CHANSON DE DUGUAY-TROUIN

Traduction proposée
par Christian Souchon

1. Officiers et vous, gens de cœur,
Gens de mer et navigateurs,
Soldats, matelots, apprenez
La mort du général Duguay [*].

2. S'il fut commandant d'une armée, c'est à bon droit,
(=c.) Le plus grand soutien de la couronne et du roi.
Vous tous en ce pays, ayez-en l'assurance
Il fut un dévoué défenseur de la France!

3-1. Duguay qui, les larmes aux yeux,
De bon cœur avait dit adieu
Au monarque, à la reine, avec grande affliction,
Quand sa fin approchait, au Duc Louis de Bourbon,

3-2. Au duc Louis de Bourbon, d'autres princes aussi.
Mais quand sa mort fut là, il les a tous surpris:
D'entendre qu'il était vaincu par la traitresse
Plongea notre pays entier dans la tristesse.

4-1. O, que de deuil emplit, de profonde affliction
Pour la mort de Duguay, la royale maison!
Toute la grande ville en était désolée
Quand la nouvelle dans les rues s'est propagée.

4-2. Plus d'un s'écria, quand il sut qu'il était mort,
Que le pays perdait son plus noble support.

5-1. Car la mort est dans sa nuisance
Peu soucieuse des préséances.
Petits ou grands, que croyez-vous?
Nul passe-droit: il lui faut tout!

5-2. Qu'on soit prince ou duc, moine ou prêtre
Au même endroit vont tous les êtres
Quand ses coups cruels elle assène,
Que de force elle les emmène!

6-1. (=F.) 7Même la reine d'Angleterre,
Elle n'en faisait point mystère,
Voulait voir Duguay le vaillant
Mais n'eut pas ce contentement.

6-2. (=a.2.) Quand on parlait de lui, c'était de la terreur
Que ses armes faisaient régner de par les mers;

7-1. Un jour son régiment était pris de panique.
Il sut le rassurer par son exemple unique:
7.2. Il s'avança, flanqué de tout son équipage,
Lui-même, armé d'un sabre et de son seul courage.


7-3. (=b.) Coups de canon, bouches à feu,
Le rendaient toujours victorieux.

8-1. - Adieu donc, portes de la mer et bâtiments
Où j'embarquais chaque mois, sinon plus souvent
A Brest, à Lorient, aussi bien qu'à Port-Louis,
A Rochefort, à Tours, aussi bien qu'à Paris.

8-2 (=J.). Je viens à vous quitter, j'ai les larmes aux yeux,
Privilèges adieu! Amis ne pleurez pas:
Nous nous reverrons tous au val de Josaphat!

9-1. Adieu, gabiers et matelots,
Soldats, commandants, généraux,
Avant de quitter cette vie,
Souffrez encor que je vous prie:

9-2. Soutenez avec joie la couronne du roi,
Avec humilité et véritable foi!
Priez pour moi Jésus au cœur compatissant
Qu'il reçoive mon âme au sein du firmament! -

Bolloré François

(*) 'Le titre de "général" que Duguay a ici vient sans doute de ce qu'il avait été "lieutenant général des armées navales". C'est aussi ce qui explique "commandamant an arme" de la strophe suivante. (Note de P. Le Roux)

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Chants bretons concernant Duguay-Trouin / Kanaouennoù brezhonek o roiñ ton da Duguay-Trouin

T.-H. de la Villemarqué
(collecteur): Dugue, 1er Carnet de Keransquer pp. 187 et 188, lenn en linenn war lec'hienn Christian Souchon.
T.-H. de la Villemarqué (collecteur): Dughe, 2ème carnet de Keransquer, pp 8-10, Lenn en linenn war lec'hienn Christian Souchon, hag e levr Donatien Laurent, Aux sources du Barzaz Breizh, p.148
J.-M. de Penguern, (collecteur) : Chanson Dug Gaitrouin, version François Bolloré, Lenn en linenn war lec'hienn Christian Souchon. (Skrid orin war Kan.bzh)
J.-M. de Penguern (collecteur), Version de Marie Kerné de Taulé, Lenn en linenn war lec'hienn Christian Souchon (Skrid orin war Kan.bzh)
Bernez Rouz (Traducteur), Pélerinage des marins de Duguay-Trouin in Kantik Kozh Itron Varia Kerzevot, Couplet 30 à 32, 1712, Site internet d'Arkae. Lire en ligne

Studiadennoù / études
Pierre le Roux,
La mort de Duguay-Trouin in Mélanges H. d’Arbois de Jubainville, Annales de Bretagne, 1905, p.153-167.
Christian Souchon, Notes sur les différtentes versions bretonnes concernant Duguay-Trouin, Lire en ligne
François Ac'h, Un pélerinage à Kerdevot sous Louis XIV, in Keleier Arkae, N°81, 2014, lire en ligne

Bernez Rouz, Duguay-Trouin, héros des complaintes bretonnes, lire en ligne