2018 : Algérie, le paradis perdu d’Erwan Evenou (Ar baradoz kollet)
Erwan Evenou est né à Alger et il a vécu son adolescence en Algérie dans les années 50. Témoin direct de la décolonisation douloureuse de son pays natal, il vient de publier un roman Bugale milliget, Ar baradoz kollet(Enfants maudits, le paradis perdu) qui nous immerge dans le climat malsain d’une guerre civile sans pitié : Brudoù kann ha muntr o sevel e pevar c’horn Aljeria, breinet e oa an traoù etre ar boblañs a viskoazh hag ur bobladurezh marellet-kenañ erruet aze a-lestradoù en ur ober kant vloaz.(Des bruits de combats nous parvenaient des quatre coins de l’Algérie, les relations devenaient pourries entre les autochtones et les populations très diverses débarquées là depuis un siècle).
Pas facile d’être ado dans ce climat Ur guchennad paotred serzh ha merc’hed bliv a weler o vale hardizh war-zu an aod traezh, sac’hadoù debraj hag evaj gante dindan o c’hazeloù. Soudarded lifreet-brav hag armet-kloz zo bet plantet e-tal ar mor ma c’hallfe ar c’hrennachoù kemer o ebatoù didregas-kaer. (Un groupe de jeunes garçons et filles enjoués rejoignait la plage portant leurs sacs de nourritures. Des soldats en uniforme bouclaient le bord de mer pour que nos ados puissent s’amuser sans soucis).
Ce paradis sous surveillance fait place brusquement à l’horreur : Emaint, dirak tavarn pulluc’het ar gafeteria, losket o c’halonoù gant c’hwezh suilh ha flaer ar c’hig marv. Daou gorf a van, en o hed war ar riblenn, liñselioù gwenn-kann ledet warne(Ils arrivèrent face à la cafeteria détruite, le cœur renversé par l’odeur brûlante et puante de la chair morte. Deux corps gisaient sur le trottoir, recouverts d’un drap blanc).
Pas facile pour ces adolescents de voir le slogan Ar valizenn pe an arched (La valise ou le cercueil), pas facile de choisir entre De Gaulle et les Putchistes d’Alger, pas facile dans un contexte général de décolonisation de condamner les révoltés.
Et puis, il y a ce premier poste d’instituteur où le jeune breton s’entend dire : penaos e c’hallfe ar Verbered serret-kloz e karc’har ur relijion strizh-strizh, stag ouzh an amzer dremenet dont war c’horre un deiz bennak hep en em harpañ war ar galleg ? Emaomp evit engravañ ar gwir yezh e-barzh pri tener o empennoù ! (Comment ces Berbères pourraient se libérer de la prison de leur religion dépassée sans s’appuyer sur le français ? Nous sommes là pour graver la vraie langue dans leur cerveau perméable !)
Ce roman, écrit dans un breton très riche, pose toutes les questions graves des identités non reconnues et nous éclairent sur les tensions du monde actuel.
