Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

Jarl Priel, le Trégorrois qui traduisait Lénine et Trotsky pour les services secrets français

C’est par la grâce d’un mariage que Jarl Priel se retrouva en Russie en 1911. Professeur de français à Borovitchi du temps du Tsar Nicolas II, il raconte son aventure dans un livre au breton savoureux : Va buhez e Rusia (Ma vie en Russie).
Il se souvient de son arrivée dans ce pays déjà très policier : Bez ‘oa a bep tu dimp ur regennad soudarded gant fuzuilhoù, baionetezennoù, sabrinier ha pistolennoù evel pa vijemp bet holl ur bagad torfetourien da gas d’ar marv kerkent paket (Autour de nous il y avait une rangée de soldats avec des fusils, des bayonnettes, des sabres des pistolets comme si nous étions un groupe de voleur qu’il fallait passer par les armes à peine appréhendé.

Pendant la grande guerre il devient l’interprète de troupes russes stationnées en France puis en Algérie. Puis il devient interprète pour les services secrets français en Pologne : E-pad tri bloaz am eus troet bep beure pennad Lenin er gelaouenn Pravda hag hini Trotzki war an Izviesta ha n’on ket o fougeal pa lavaran am eus e-keit-se peuzesket dre ’n eñvor aviel an daou abostol-se ! ( Pendant trois ans j’ai traduit chaque matin l’article signé Lénine dans la Pravda et celui signé Trotski dans l’Izviesta. Je ne me vante pas quand je dis que j’ai appris par coeur l’évangile de ces deux apôtres !).
Agent secret, Priel n’a pas fait que du travail de bureau. Il est envoyé en mission à la frontière Russe pour accompagner un indicateur ukrainien : Ur spier a dle bezañ atav war ziwall rak kenavo d’an hini a ramp hag a gouezh ( Un espion doit toujours être sur ses gardes car adieu a celui qui dérape et tombe). Priel échappe de justesse à un commando russe, qui se venge avec une rare violence : Goude divarc’hañ an nor ha difoeltrañ kement tra en ti e voe dornet d’ar marv ar c’hemener hag e waljont dirazañ e wreg hag o merc’hig ken e krogjont an tan en ti nevez (Après avoir enfoncé la porte et défoncé l’intérieur de la maison, ils battirent le tailleur à mort, ils violèrent sa femme et sa fille avant de mettre le feu à leur maison neuve).

Très vite Priel revient en France ou il se fit un nom dans le théâtre et la traduction d’oeuvres russes. Ce n’est qu’après la guerre qu’il écrivit en breton ou il ne mâche pas ses mots sur les exactions de la police de Staline : Er c’havoù e c’houzañvas merzherinti ha e skuilhas o bannac’hig gwad Doue hebken a oar pegement a dud , noblañs ha kouerien, bourc’hizien koulz ha micherourien pe jeneraled, paour pe binvidik, kozh ha yaouank, paotred ha merc’hed… ( Dans les caves Dieu sait combien de personnes souffrirent le martyre, nobles et paysans, bourgeois, ouvriers  ou généraux, pauvres ou riches, vieux ou jeunes, gars ou filles…)
Ce témoin de la triste histoire du monde nous a laissé un tableau effrayant du pouvoir soviétique tout en multipliant les traductions des grands auteurs slaves comme l’ukrainien Gogol.

Pennad orin / Texte original

Al labour spier e Varsovia (Polonia)

A-greiz c'hoari kartoù e teuas ur petrefi da gaout va gwreg a lavaras dezhañ dont davedomp pa garje d'evañ ur bannac'h... Dremm vat ebet ne gaven war an tamm skrilh. Bez e oa warnañ liv ur c'hanfard klañv-diglañv, treut-ki, gant nebeut a zalc'h d'e vragou ha dezhañ war ar marc'hat ul lapenn voulc'h ha daoulagad ken du hag ur born pikez.
" Karget on e kannad-ti an URSS d'ober war-dro ar skridoù kuzh. Gant ma rofe din ho servij titouroù an dailhenn arc'hant am eus ezhomm diouti e teskin deoc'h an tu da lenn kement paper kaset d'ar C'hremlin a-berzh hon kannad Voinov...""
Hep dale e voe 'ta graet an emglev gant paotr ar Chiffre ha bep gwech e kase din e koulz hag en amzer ur gartenn bost sinet "da vuiañ karet, Olga". Merkañ a rae warni al lec'h ma tleen kejañ gantañ. Kerkoulz war ur c'hlazenn pe e straedoù ker e kerzhe ken didrouz hag ul logodenn-dall o tarnijal da serr-noz. Hag e teue hemañ a-benn da glenkañ en e c'hodell ar gopr goulennet gantañ da lavarout eo, kant mil lur e moneiz amerikan.
A-drugarez d'am bolchevik e teuas gouarnamant Pariz d'intent ster gwirion meur a zarvoud c'hoarvezet neuze en Alamagn pe en URSS, marc'hatadennoù etre Moskov ha Berlin, kentañ krogadoù Stalin gant Troski hag all...
Amañ hag Ahont pp 124-126

Troidigezh / Traduction

Le travail d'espionnage à Varsovie (Pologne) en 1923

Pendant un jeu de cartes un individu vint voir ma femme qui lui dit de me rencontrer au bar. Je n'aimais pas la mine de cet asticot. Il avait une tête d'enterré, il était maigrelet, son pantalon ne tenait pas et de plus il était affligé d'un bec de lièvre et deux yeux aussi noir qu'un as de pique.
"Je suis chargé à l'ambassade d'URSS de m'occuper des messages codés. Si vous me donnez la somme d'argent dont j'ai besoin, je vous donnerai tous les messages que notre ambassadeur Voinov enverra au Kremlin.
On fit affaire rapidement et chaque fois il m'envoyait une carte postale signée "Ta bien aimée Olga".Il indiquai dessus notre lieu de rencontre. Autant sur l'herbe que dans les rues il était silencieux qu'une chauve-souris au crépuscule. Et il se débrouilklait pour fourrer dans sa poche son argent soit 100 000 franccs en dollars.
Grâce à notre bolchevique le gouvernement de Paris était prévenu des évènements survenus à cette époque en Allemagne et en URSS, les marchandages entre Moscou et Berlin, et les premières mésententes entre Staline et Trotski.

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Sur Jarl Priel

Wikipedia : Jarl Priel
Journée du centenaire de Jarl Priel, Bulletin municipal de Plouguiel

Ouvrages en langue bretonne concernant la Russie

Priel (Jarl), Va buhez e Rusia, Al Liamm, 1955
Priel (Jarl), Amañ hag ahont, Al Liamm, 1957

Ouvrages en français concernant la Russie :

Les arts et la musique en Russie soviétique, in Les Marges tome XXIX, N° 117 - 21e année. Paris, Librairie de France, Cincinnatus au Pays des Soviets, in Les Œuvres libres, n° 74. Paris,  Fayard,

Traductions du russe en français

Tarass Boulba de Nicolas Gogol. Paris, à l'enseigne du pot cassé, 1927. In-8, 211 pages
Veillées d'Ukraine de Nicolas Gogol. Paris, à l'enseigne du pot cassé, 1928. 2 volumes in-12, 219-216 pages.
La Foire de Sorochiniets de Nicolas Gogol. Paris, Éditions Galatea, 1945. In-4, 80 pages
Au delà de l'Oural d'Alexandre Klaguine, Paris, éd. du Scribe, 1948
Éternels compagnons de route. Lermontov, Dostoïevski, Gontcharov, Maïkov, Tioutchev, Pouchkine de Dimitri Merejkowski. Traduit par Jarl Priel et Maurice Prozor. Paris, Albin Michel, 1949. In-8, 330 pages
Invitation au supplice de Vladimir Nabokov. Paris, Gallimard, collection "Du Monde entier", 1960. In-8, 267 pages